Le premier projet constitutionnel pour le Maroc date… du XIXe siècle. Issu de l’imagination d’un aventurier espagnol, ce texte met à la sauce chérifienne les idées européennes de l’époque.
Pour la plupart des historiens, le premier texte constitutionnel rédigé pour le Maroc date du 11 octobre 1908. Publié dans le journal Lissan Ul Maghreb, ce texte n’était qu’une adaptation de celui de la constitution ottomane, renouvelé l’été de cette même année. Il a été rédigé par un groupe de journalistes qui cherchaient à influencer le nouveau souverain Moulay Abdelhafid afin d’établir certaines limites à son gouvernement. L’intérêt du document, comme le signale Abdallah Laroui dans Origines sociales et culturelles du nationalisme marocain, réside « dans la mesure où le peu de Marocains qui collaborèrent à son projet, transmirent l’idéal constitutionnaliste aux leaders du nationalisme pendant le protectorat ». Et pourtant, presque cent ans auparavant, vers 1817, un voyageur espagnol rédigeait La Constitution des Peuples d’Occident, un texte de 31 articles où il se propose lui-même comme Sultan du Maroc. Il s’agit du fameux Domingo Badía i Leblich, alias Ali Bey, qui parcourut le Maroc et fit la narration de son périple dans un livre édité pour la première fois à Paris en 1814, en langue française, sous le titre Voyages d’Ali Bey El Abbassi en Afrique et en Asie pendant les années 1803, 1804, 1805, 1806 et 1807. Cette histoire, qui semble presque être du domaine de la légende, mérite pourtant d’être racontée pour ce qu’elle révèle des rapports de l’époque entre les deux pays voisins, l’Espagne et le Maroc, et parce qu’elle suggère un thème qui n’a en rien perdu de sa vigueur depuis 200 ans: les limites du pouvoir politique de la royauté. Le texte, pur produit de l’imagination de l’auteur, est conservé aux Archives historiques de Barcelone.
Le goût de l’aventure
Domingo Badía naît à Barcelone en 1767, une ville où son père a été nommé secrétaire du gouverneur. Il grandit à Malaga et à Vera (Almería), où il apprend les nécessités de la fonction publique – qui, d’après tous les témoignages, l’attiraient bien moins que l’aventure. Son caractère audacieux et son intérêt pour les sciences apparaissent très vite comme des excentricités. Par exemple, il fait voler un ballon aérostatique dans la ville de Cordoue pour prendre des mesures atmosphériques.
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Par Bernabé López García
Historien, professeur d’histoire du monde arabe contemporain à Madrid