Avec le retour d’exil de Mehdi Ben Barka, la question de l’avenir de l’UNFP et la refonte de ses structures s’impose. Malgré la liesse qui l’accompagne, les dissensions intestines s’affichent au cours du deuxième congrès du parti de gauche, en mai 1962.
Le 15 mai 1962, après deux ans et demi d’absence. Mehdi Ben Barka, rentré de son premier exil est accueilli en héros, à Rabat. Et pourtant, il ne voulait pas revenir au Maroc, comme le raconte Bensaïd Aït Idder, un des fondateurs de l’UNFP, envoyé (avec Mohammed Yazghi) par le Fquih Basri, pour retrouver le nationaliste exilé et le convaincre d’assister à cette grand-messe partisane qui doit décider de l’avenir du parti. Pour Ben Barka, les jeux semblaient être faits. Ses compagnons ne le suivraient pas tous dans sa volonté de créer une organisation très structurée et plus radicale, devant influer sur le sort d’un pays où la véritable question en litige pour les militants était : Quels rapports avec le Makhzen ? Quelle politique après le renvoi du gouvernement Ibrahim, deux ans auparavant et les avancées décisives opérées entre temps par la mouvance du roi Hassan II ? Il avait également conscience qu’il était en passe de perdre son bras de fer avec les syndicalistes, en particulier Mahjoub Ben Seddik, à la tête de l’UMT, fortement appuyé par Abdellah Ibrahim. Il rédige pourtant un rapport que l’on retrouve actuellement dans Options révolutionnaires, mais n’a été rendu public qu’en juin 1965, avec une préface très éclairante. Le rapport qui sera en revanche présenté est celui dit de doctrine et d’orientation (adopté par le deuxième congrès) et rédigé par Abdellah Ibrahim.
La politique du vrai
Entre les deux textes, plus que des nuances. Conçu en quatre parties, le rapport de Mehdi Ben Barka s’ouvre sur un préambule où est rappelée la création en 1959 de l’Union Nationale des Forces populaires, « pour barrer la route à la division et à la désagrégation, remédier au scepticisme et au désespoir », avec la constatation optimiste qu’« au Maroc, les masses imposent le respect de leurs organisations et de leurs mots d’ordre », même s’ils sont ensuite falsifiés, ou dénaturés. La première partie est une « analyse de la situation présente », avec le constat qu’après les décolonisations africaines, l’impérialisme opère un retour agressif. Mais les indépendances sont-elles obtenues contre le colonisateur ou avec son appui ? Cette question est un leitmotiv pour qui veut dresser l’autocritique d’Aix-les-Bains et où se profile aussi le futur dirigeant de la Tricontinentale. Le cas algérien (les accords d’Evian viennent d’être signés) est pourtant abordé avec un total optimisme, en ce qu’il annonce aussi une nouvelle scène maghrébine.
Par Zakya Daoud
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