L’émergence de l’épouvantail Bonaparte a amené, étrangement, les royaumes du Maroc et du Portugal à unir leurs forces, pourtant opposées, pour contrer la menace. Retour sur un épisode singulier qui montre que la raison et les intérêts passent avant les accointances idéologiques ou les affinités religieuses.
On peut considérer la récupération par le Maroc de Mazagan en 1769 comme l’épilogue d’une longue aventure coloniale par laquelle les Portugais voulaient sécuriser leurs routes maritimes vers l’Amérique et l’Asie, et en même temps assurer une source précieuse d’approvisionnement en blé qui faisait souvent défaut en métropole. Avec l’arrivée du sultan Mohamed Ben Abdallah au pouvoir, en 1757, le Maroc allait s’engager dans une nouvelle politique vis-à-vis des puissances chrétiennes, jusque-là considérées comme faisant partie de «Dar al harb» ou pays ennemi. Ce sultan avait acquis la conviction que l’avenir du pays résidait dans une entente et une coexistence pacifique avec le monde occidental qui, déjà, s’affirmait comme la force dominante du monde moderne. Partant de ce principe, le sultan œuvra à normaliser les rapports du Maroc avec toutes les puissances chrétiennes sans exception. Y compris l’Espagne, qui s’entêtait à prolonger son occupation des villes côtières du nord. Des dizaines de traités et conventions furent signés avec ces puissances. De son côté, le Portugal du XVIIIème siècle n’était plus la puissance coloniale d’autrefois. Son empire en Amérique et en Asie s’effritait et, ayant raté la révolution industrielle qu’a connu l’Europe du nord, le Portugal, comme l’Espagne d’ailleurs, tombait au second rang des puissances européennes. Sa flotte maritime qui, à un certain temps, dominait les mers, n’arrivait plus à empêcher les corsaires barbaresques de faire des prises à la porte de Lisbonne même.
C’est la raison pour laquelle les Portugais n’avaient pas vraiment combattu pour Mazagan et avaient tout simplement décidé de l’évacuer en 1769. Avec une stature internationale diminuée et l’arrivée au Maroc d’un sultan prônant la coexistence et la paix avec le monde chrétien, les Portugais ne pouvaient pas demander mieux, en espérant atteindre par la paix et la négociation ce qu’ils n’étaient plus capables de réaliser par la force des armes.
Par Mohamed El Mansour
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