Lucide, objectif, posé. Retour sur les grandes et petites choses qui ont marqué la vie politique depuis l’avènement du roi Mohammed VI, en compagnie de Mustapha Sehimi, fin connaisseur du modèle marocain.
Comment qualifierez-vous le contexte politique dans lequel
Mohammed VI accède au trône ? Etait-il favorable ou plutôt délicat ?
Le contexte politique de l’accession au trône de Mohammed VI, voici 20 ans, présente bien des traits particuliers. La succession dynastique a été préparée par le roi Hassan II et elle s’est déroulée dans des conditions satisfaisantes, de normalité.
Mohammed VI a pratiquement hérité d’un trône «clés en mains»… La monarchie était consensuelle ; un processus achevé après bien des décennies crispées et heurtées même, avec le vote « oui » de l’USFP pour la Constitution de 1996, suivi par la mise sur pied d’un gouvernement d’alternance en mars 1998 dirigé par Abderrahmane Youssoufi, alors premier secrétaire de l’USFP. La société était apaisée aussi ; elle n’était plus traversée par des spasmes contestataires comme en 1965, 1981, 1984 ou 1990. En même temps, des interrogations n’étaient pas à écarter. Dans le système, Hassan II avait une place centrale du fait de sa personnalité, de son autorité personnelle, de son savoir-faire politique et de son habileté manœuvrière. Il avait également pour lui une connaissance approfondie et affinée des acteurs – partisans, syndicalistes et lobbies. Un mode d’emploi avait été ainsi mis au point, au cours de plusieurs décennies de règne.
« Le style, c’est l’homme », disait Hassan II. Quel est le style de son successeur lors des premières années de son règne ? Comment compose-t-il avec l’échiquier politique et les hommes forts hérités de son père ?
Le style Mohammed VI ne pouvait qu’être différent de celui de Hassan II : question générationnelle bien sûr, de parcours politique aussi, d’univers culturel encore, de tempérament enfin. Hassan II était le produit du mouvement national, puis le maître d’œuvre d’une monarchie régnante et gouvernante durant près de quatre décennies ; Mohammed VI, lui, relève d’une comptabilité différente : celle de la postindépendance.
Propos recueillis par Sami Lakmahri et Karim Boukhari
Lire la suite de l’article dans Zamane N°105/106 (Août/Septembre 2019)