Après la manifestation gigantesque du mois de février 2019, sur plusieurs mois, les Algériens ont de nouveau pris possession de la rue en février 2021. Deux situations de négation des institutions. Y’a-t-il encore un négociateur légitime et crédible ? Assurément, l’Algérie des généraux et consorts fait une fixation sur le Maroc. Du temps de Gaid Saleh, chef suprême de l’armée, celui-ci déclarait sans sourciller que tous les maux de l’Algérie venaient du Maroc où les complots les plus destructeurs s’organisaient constamment contre l’Algérie. Gaid Saleh est mort de sa belle mort le 23 décembre 2019. On a envie de dire «ouf». L’homme avait la certitude inébranlable, jurant ses Dieux que ce qu’il disait avait force de loi. La structure militaire était toujours là, avec les mêmes intentions belliqueuses. Un petit rappel qui pouvait avoir les pires applications sur le terrain. Depuis 44 ans, l’Algérie et le Maroc étaient au bord de l’affrontement, entraînant d’autres voisins et alliés plus ou moins proches. Ils le sont toujours. Un désastre multiplié à l’infini. Il l’est déjà dans les pertes économiques civiles et le financement monstrueux de l’armement. S’armer contre qui et pour quel objectif ? Des questions sans réponses, si ce n’est une fixation sur le Maroc. Jusqu’à la tension maroco-algérienne, on avait plutôt tendance à croire que ces attitudes fixatoires relevaient de la psychologie, voire de la psychiatrie clinique.
Sans raison apparente et sans être l’objet d’une quelconque attaque, l’Algérie attaque. L’insulte n’est pas loin. Très vite, Alger y bascule. Tous les moyens sont bons et sans retenue pour transmettre l’insulte et faire croire à ses auditeurs que les propos les plus abjects peuvent passer pour une politique étrangère. Niet. Les voies et moyens de communication sont réquisitionnés pour «la cause». Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Nasser Bourita, a confirmé ce que tous les observateurs ont relevé, lors du 34ème Sommet de l’Union africaine, tenu en visioconférence les 6 et 7 février 2021. Le diplomate marocain persiste et signe. «Je suis surpris, dit-il, par l’énergie et le temps que consacre l’Algérie à la question du Sahara marocain», et de se demander «si cette question est la priorité des priorités de l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui».
Par la force d’une réalité criante et de la véracité des faits, les algériens auront pris pour référence leurs propres conditions de vie et de travail. Autrement dit, les forces vives du pays, les jeunes en particulier, et la cherté de la vie, deux paramètres très informatifs sur l’état des lieux et la manière de les dépasser. Avouez qu’on est un peu loin du Sahara, de sa vue imprenable sur l’océan et de son sous sol qui serait une mine d’or noire. Les chasseurs d’informations et d’analyses pertinentes auront enregistré une perte de terrain et d’influence de l’Algérie sur cette région. Un fait majeur a marqué cette période ; la reconnaissance par la première puissance mondiale de la souveraineté du Maroc sur son Sahara ; ainsi que l’inauguration d’un consulat américain à Dakhla. Sidération à Alger où l’on est contraint d’avaler une couleuvre qui a longtemps été le pivot de son positionnement à l’international.
Après avoir accusé le coup, Alger décide de bâtir sa présence mondiale sur un anti-marocanisme primaire. Seulement voilà, ce revirement n’a pas suffit. Les Algériens exigent des solutions adéquates à leurs problèmes. Les discours vagues, sans prises sur le réel ne sont plus de mise. Jusqu’ici, depuis l’acquisition de l’indépendance en 1962, des généraux au pouvoir n’ont pu exaucer les vœux basiques de la population. Il ne pouvait être autrement dans un pays rongé par la dilapidation des biens publics et l’enrichissement illicite de ces mêmes généraux. Plus qu’auparavant, la revendication d’un État civil avec autorité constitutionnelle, est à l’ordre du jour.
Par Abdellatif Mansour