Au Maroc, un temps appelé Maghreb Al-Aqsa, la religion est une composante essentielle du champ sociopolitique. Il va sans dire que la pratique religieuse s’accompagne d’un rite spécifique la codifiant. A ce propos, on remarque la longévité du rite malékite et sa persistance au Maroc. Initié par Malek Bnou Anas, imam de la Grande mosquée de Médine au IXe siècle, le malékisme n’a pas tardé à gagner le Maghreb. Façonné au sein des grandes cités religieuses que sont Cordoue, Fès et Kairouan, il devient caractéristique de l’Occident musulman et, très vite, s’articule autour des luttes de pouvoir entre dynasties. Derrière le simple rite peut se cacher un outil de propagande et, surtout, une arme pour édifier l’union politique. Voici comment les Maghrébins sont devenus malékites.
L’islam est une grande religion et, comme telle, elle est l’objet de plusieurs histoires. Non seulement la différenciation de base entre religion et religiosité appelle déjà celle entre « histoire de l’islam » et « histoire des musulmans », mais au sein de chaque catégorie, les représentations sont multiples. Le processus de formation du corps doctrinal de l’islam comme religion monothéiste est tributaire d’écoles de pensées aussi diverses que variées. Quant à la genèse des religiosités musulmanes, le pluriel est impératif tant les pratiques culturelles et les imaginaires collectifs sont réfractaires à toute formulation normative. Les données socio-spatiales des ères culturelles musulmanes ont façonné des religiosités bien différentes. La temporalité des pratiques, le rite des sacrifices, des fêtes religieuses, l’architecture des lieux de culte, la lecture du Coran, la hiérarchie des devoirs du musulman, la relation à la science, au pouvoir politique, à la nature, à l’autre, etc., tout est diversité et beaucoup est l’œuvre des hommes et de leurs histoires. A ce jour, dans les universités marocaines, les programmes parlent de l’Histoire de l’Islam (en majuscules) et non de l’histoire des musulmans.
Le discours religieux marocain affirme officiellement que « le Maroc, Etat islamique, est malékite de rite et achaârite de doctrine, son soufisme est sunnite ». Derrière cette affirmation, se cache forcément la genèse d’une religiosité bien particulière : s’agit-il d’une exception marocaine ? Certains l’affirment. Quant à nous, nous pencherons plutôt vers un élargissement au Maghreb. Certes, les entités Ifriqiya (Tunisie), Maghreb Al-Awsat (Algérie) et Maghreb Al-Aqsa (Maroc) ont émergé dès le XIIIesiècle, mais les frontières des trois pays n’ont de sens que depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. Il est donc compréhensible que, pour les périodes anciennes, le vocable Maghreb soit plus présent que celui de Maroc.
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