Fin avril dernier, des extraits d’un projet de loi sont fuités sur internet. Ce document est relatif à l’utilisation des réseaux sociaux. Il prévoie notamment la criminalisation de l’appel au boycott commercial, ainsi que d’autres restrictions qui limiteraient de fait, les libertés individuelles. Des internautes se dressent contre ce qui pourrait être une dérive autoritaire…
Pourtant, tout allait si bien. L’exécutif était encensé pour sa gestion optimale de la crise sanitaire et la plupart des Marocains se disaient fiers de leurs pays. Le 27 avril, sont publiés sur internet des extraits d’un projet de loi du nom de 22-20. Celui qui les a partagés, le youtubeur Mustapha Swinga, rapporte que ce texte a été envoyé aux ministres à la veille d’un Conseil de Gouvernement. Leur contenu a de quoi interpeller. Le projet de loi prévoit «six mois à trois ans d’emprisonnement et une amende de 5000 à 50.000 dirhams, ou une des deux peines, pour toute personne ayant appelé au boycott de certains produits, marchandises ou services à travers les réseaux sociaux, des réseaux de diffusion et réseaux similaires». Cet extrait semble être une réponse législative directe à la campagne de boycott qui a secoué l’économie marocaine plusieurs semaines durant l’année 2018. Il est également question de sanctionner les internautes qui inciteraient au retrait en masse d’argent liquide des banques et autres institutions similaires. Aussitôt après les premières fuites, une levée de bouclier s’est organisée sur internet. Les citoyens dénoncent une atteinte sans précédent aux libertés individuelles, précisément la liberté d’expression sur internet. Une réaction qui fait réagir l’exécutif, soucieux de préserver son état de grâce. Nizar Khairoun, conseiller de Saâdeddine El Othmani, Chef du Gouvernement, est le premier à réagir. Il explique que le projet de loi «n’a toujours pas été déposé au parlement, car il est en cours d’étude au sein d’un comité ministériel», en ajoutant le lendemain que «Le Conseil de gouvernement a envoyé le projet de loi à une commission technique, il est en cours d’évolution. Le texte sera examiné par un comité ministériel et à la fin de ces différentes étapes, il sera déposé au parlement». Cette nouvelle instance est composée de plusieurs membres du gouvernement dont Mohamed Benabdelkader, ministre de la Justice, Mostafa Ramid, ministre d’Etat chargé des Droits de l’homme, et Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur. Cette affaire provoque également des remous entre les partis politiques, les uns accusant les autres d’être responsables de la rédaction ou alors de la fuite. Le 3 mai, Ben Abdelkader a demandé le report de l’examen du projet de loi 22.20 car il estime qu’«au regard des circonstances particulières que traverse notre pays sur fond d’état d’urgence sanitaire, j’ai demandé au Chef du gouvernement et aux membres de la commission ministérielle compétente de repousser les travaux sur le projet de loi 22.20 jusqu’à la fin de la période actuelle et la tenue des concertations nécessaires avec l’ensemble des acteurs concernés». L’affaire est loin d’être terminée.