L’histoire sociale de l’Empire chérifien, à l’instar de celle de Dar al-islam en général, est dominée par les fondations pieuses ou Habous («waqf» dans les autres pays arabes). Elles gèrent les biens de mainmorte et toute la bienfaisance vis-à-vis des indigents. Naturellement, la mainmise du Protectorat sur la société marocaine va bouleverser cette «sécurité sociale» séculaire. Zamane a mené l’enquête ?
Le habous est un acte de piété par lequel un musulman lègue son patrimoine ou une partie de celui-ci en vue d’œuvres caritatives. «Le retour à Dieu d’une propriété privée», selon les termes de l’orientaliste Louis Gardet. Le habous est chargé de financer toutes les activités religieuses d’une société, et dans celle-ci entre, à tout point de vue, l’aide aux plus pauvres. Au XIXème puis au XXème siècle, que ce soit en Algérie, puis en Tunisie et enfin dans l’Empire chérifien, la France colonisatrice confisque ou détruit tout bonnement les biens habous. «La confiscation ou la destruction de bien habous est révélatrice d’un désintérêt profond pour tout ce qui n’était pas européen, désintérêt camouflé derrière une volonté assimilatrice qui pouvait passer pour généreuse mais qui très vite se révéla au service d’une politique restrictive et discriminatoire, visant à maintenir les indigènes (à l’exception des Juifs en Algérie) en position subordonnée, sans accès massif à l’instruction et par là au pouvoir économique et politique», soulignent leshistoriennes Yvette Katan Bensmoun et Rama Chalak dans «Le Maghreb, de l’empire ottoman à la fin de la colonisation française» (2007). Cette dissolution délibérée des habous va avoir des conséquences néfastes sur la bourgeoisie citadine, puisque les mises en vente des biens de mainmorte seront exclusivement à l’avantage des colons.
Par Farid Bahri
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