En Tunisie, en Libye et même au Maroc, le spectre islamiste fait craindre pour les droits des femmes. Une peur fondée ?
L’histoire du Maroc ne se conjugue que très rarement au féminin. Quelques figures de proue ont tout de même tenté de rappeler à la société marocaine l’existence de sa composante féminine. Comment ne pas évoquer le fulgurant parcours de Touria Chaoui, première femme à piloter un avion (brevet obtenu en 1951) dans le ciel marocain, doublée d’une figure du nationalisme et du féminisme naissant ? Comme les aspirations progressistes des Marocaines, Touria Chaoui s’est vu terrassée par l’intolérance et l’obscurantisme. Difficile également de ne pas mentionner le discours de la jeune princesse Lalla Aïcha (fille de Mohammed V), le 11 avril 1947, livrant sa chevelure à peine voilée aux vents tangérois et à la vindicte des conservateurs. L’enseignement que l’on peut tirer de l’histoire du féminisme marocain revient souvent à faire le même constat : toutes les concessions en matière des droits de la femme ne peuvent être arrachées qu’après d’âpres batailles. Et ces luttes ne peuvent s’engager que dans l’arène politique, lieu du pouvoir décisionnel. C’est justement là que se trouve le nerf de la guerre. Les féministes l’ont bien compris et ont très vite tenté d’investir le champ politique, à commencer par les partis. C’est ainsi que bon nombre de sections féminines ont commencé à fleurir au sein de milieux généralement gonflés à la testostérone.
Bassima Hakkaoui membre du secrétariat général du PJD et présidente des femmes du PJD
« Je suis pour la défense de la spécificité de la femme marocaine »
Nabila Mounib professeure universitaire et membre du bureau politique du PSU
« Le port du voile est utilisé comme un logo par les partis islamistes »
Est-ce à dire qu’Ennahda ne reviendra pas sur les acquis en matière de droit de la femme parce que le parti subit une certaine forme de pression (la rue, l’Occident…) ? Ou cela fait-il partie de son programme politique ?
Bassima Hakkaoui : En écoutant les leaders du parti, en particulier Rached Ghannouchi, on en conclut que leur réflexion est avancée et moderne en matière de projet de société et de pratique de l’islam. C’est-à-dire dans le respect du référentiel de la société tunisienne et en adéquation avec les valeurs de liberté défendues par l’islam. J’ai confiance en la capacité d’Ennahda à ne pas dénaturer l’identité de la société tunisienne.
Nabila Mounib : Pour ma part, je considère que cette période est historique parce que les peuples arabes se révoltent contre le despotisme et la corruption. Aujourd’hui, le parti Ennahda est l’auteur de quelques déclarations inquiétantes au sujet des droits de la femme. Nous avons d’ailleurs assisté à une réaction spontanée des Tunisiennes qui sont descendues dans la rue. Dans le monde arabe, nous avons enfin compris l’importance de l’opinion des peuples. Les Etats despotiques ont tout fait pour limiter ce contre-pouvoir, mais c’est aujourd’hui beaucoup plus difficile. Autre conjoncture rassurante, le gouvernement tunisien va se trouver face à des difficultés économiques prioritaires, donc même s’il le souhaite, il ne pourra pas revenir sur les acquis de la femme dans l’immédiat.
Par Sami Lakmahri
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