C’est une vraie énigme pour les historiens. Quels étaient les loisirs des Marocains dans les temps anciens ? Comment s’amusaient-ils dans un monde pourtant hostile ? Brève histoire de l’amusement en terre chérifienne…
Et si une forme de football était pratiquée bien avant le Protectorat ? L’hypothèse eut été saugrenue, si ce n’est l’existence d’une mystérieuse lettre du mathématicien médiévale Ibn El Banna Al Mourrakouchi. Dans sa missive perdue depuis, le savant évoquait un jeu de ballon, qui servait de divertissement aux plus jeunes. Hélas, aucune règle de jeu ne nous est parvenu, mais d’autres civilisations ont prouvé que les jeux de balle ne sont pas l’apanage des Occidentaux. Nous savons aujourd’hui que de tels sports étaient ritualisés par des peuples précolombiens il y a 3000 ans. Mais revenons à nos ancêtres en terres marocaines. Si d’éventuels sports de ballon gardent leurs secrets, d’autres loisirs sont, quant à eux, bien attestés. Dès le Moyen Age, divers concours étaient organisés en périphérie des villes. Les plus populaires étaient certainement les activités équestres, où les propriétaires de montures rivalisaient pour prouver leur suprématie. Courses et exercices d’acrobaties étaient au programme et ravissaient les spectateurs. Quant à la fantasia ou «tborida», popularisée en Europe par les peintures orientalistes, elle ne prend sa forme actuelle qu’au XIXème siècle. En plus d’être un loisir, les sports équestres remplissent une autre fonction. Selon l’historien médiéviste Yassir El Hilali, cette pratique «répond plus prosaïquement à une nécessité de garder en forme montures et cavaliers auxquels ces tribus guerrières devaient leur survie». L’entretien des corps s’accompagnait aussi par celui des esprits. Ainsi, les Marocains s’adonnaient à la passion des échecs. Appelé «Chtranj», mot d’origine perse, ce jeu est d’abord populaire dans Al Andalus avant d’envahir la rive sud de la Méditerranée. Au Maroc, les sources indiquent qu’il était pratiqué par petits et grands. Une tradition qui s’est, hélas, dépérie depuis.
La «nouzha», reine des loisirs
Dans le domaine des sports, les médiévistes évoquent souvent des concours de tirs à l’arc. Là encore, cette pratique permettait aux guerriers de s’adonner aux joies de la compétition, tout en continuant à s’entrainer en vue des batailles. Le tir à l’arc et les armes de jet en général, faisaient partie des tactiques incontournables de la guerre. L’acuité et la précision des archers dépendaient de la fréquence de leurs entrainements, et de tels concours leur offraient cette possibilité. Enfin, il est impossible de parler des loisirs de nos ancêtres sans évoquer la sacrosainte «Nouzha» ou balade champêtre. En famille, clan ou tribu, c’est un moment de partage collectif où les individus cassent le cadre routinier. Les citadins sortaient des enceintes de la ville et les ruraux s’éloignaient de leurs campements pour, dirait-on aujourd’hui, changer d’air. Contrairement à aujourd’hui, la forêt (bien trop dangereuse à l’époque) n’était pas une destination prisée pour la «nouzha». Nos ancêtres préféraient se rendre dans des clairières ou des plaines verdoyantes. Les plus riches d’entre eux s’offraient même, selon Yassir El Hilali «des résidences secondaires dans des espaces balnéaires ou ruraux, dans lesquels ils pouvaient se rendre pour passer du bon temps». Malgré la modernité, certains héritages du passé demeurent inchangés.