Entre la région et le parti, ce n’est pas toujours une histoire d’amour. Mais en cette saison électorale, l’Istiqlal semble prêt à tendre la main au Rif. Une opération séduction qui passe d’abord par une relecture de l’Histoire, particulièrement celle de l’épisode du soulèvement en 1958 et 1959. Le parti se dit prêt…
Nizar Baraka l’a rappelé à maintes reprises. L’initiative de réconciliation avec la mémoire des évènements sanglants du Rif en 1958 date de 2018. L’occasion pour le Secrétaire général du parti d’insinuer qu’il n’est pas en campagne électorale. Trois ans après avoir évoquer sa responsabilité dans la répression du soulèvement au nord du pays juste après l’indépendance, la formation istiqlalienne remet donc le sujet sur le tapis et charge. C’était le 27 mars dernier, dans le cadre d’un colloque organisé à Rabat avec pour thématique «Evénements du Rif 1958-1959, mémoire, témoignages et visions croisées». La rencontre a vu la participation d’un panel scientifique composé d’un groupe de chercheurs et de professeurs universitaires. Surtout, elle se veut la suite de l’initiative de 2018, interrompue «à cause de la pandémie» selon Nizar Baraka. Le patron du parti rappelle que l’objectif de ce colloque est de déterminer «objectivement les circonstances des événements du Rif à cette époque, afin d’en faire une relecture et de les inclure dans l’appropriation collective de ce passé», tout en précisant que l’Istiqlal est prêt à «une autocritique nécessaire». En 2018 déjà, à l’occasion d’un évènement dédié à Al Hoceima, Baraka avait ouvert la possibilité d’un mea culpa. D’autres personnalités présentes alors avaient un avis moins nuancé sur la responsabilité du parti de Allal El Fassi.
Ainsi, Abdeslam Boutayeb, ancien détenu politique rifain dans les années 1980 et président du «Centre de la mémoire collective», avait estimé que «la responsabilité de l’Istiqlal dans les douloureux événements du Rif après l’indépendance est totale, car le parti était l’Etat puisqu’il disposait de prisons et de milices privées». Dans les faits, l’Istiqlal était effectivement impliqué directement dans le soulèvement. D’ailleurs, le «coup d’envoi» de la révolte a eu lieu le 25 octobre 1958, lorsque les bureaux du parti à Imzouren avaient été attaqués par des insurgés. Un emballement qui fait suite aux doléances présentées au Makhzen par un comité de personnalités rifaines réclamant une série de mesure politiques et sociales pour développer la région du nord. Mais la complexité des enjeux politiques après l’indépendance a participé à un emballement sanglant des évènements. Toutefois, Rabat décide d’intervenir dans l’espoir d’étouffer toute rébellion dans la région, et c’est le prince Moulay Hassan qui est chargé des opérations militaires dans ce qui sera la première intervention des FAR (Forces Armées Royales). Bien que le gouvernement d’alors était dirigé par la gauche de Abdellah Ibrahim, certains postes-clés, comme celui de l’Intérieur, étaient de la responsabilité de membres de l’Istiqlal. Aujourd’hui, le parti à la peine dans les échéances électorales depuis au moins une décennie, cherche à redorer son blason. Cela passe aussi par revisiter sa propre histoire.