Serges Berdugo est un membre incontournable de la communauté juive marocaine. Pourtant, le Secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du Maroc a failli céder à la pression de la guerre israélo-arabe de juin 1967 en quittant le royaume. Mais un évènement inattendu l’a fait changer d’avis. Une anecdote qu’il avait confessée à Zamane…
«Le 6 juin 1967 au matin, un lundi, je me suis rendu au bureau le plus normalement du monde. Ce jour coïncide, vous l’avez deviné, avec le déclenchement de la Guerre des Six jours entre Israël et la Coalition Arabe. Au début, les Egyptiens ont pris l’avantage militaire. Face à cette situation, les collègues venaient vers moi pour me réconforter… Mais lorsque, le lendemain, la situation s’est inversée, le climat au bureau a radicalement changé. Il n’y avait, de la part de mes collègues, aucune méchanceté ou animosité, mais il régnait plutôt un sentiment de profonde tristesse. Parce que la Coalition Arabe était en passe de perdre la Guerre. Je n’avais bien sûr rien à voir avec ce conflit, mais les collègues étaient comme gênés en ma présence. C’était difficile, pour eux et encore plus pour moi… Pour la première et dernière fois de ma vie, j’ai envisagé de quitter le Maroc en me persuadant que la situation n’était pas tenable. D’autant que j’avais des opportunités de carrière ailleurs. Je dois finalement la suite de ma vie à la ruse et à la volonté d’un ami musulman qui a été plusieurs fois ministre, mais dont je ne citerai pas le nom. Il m’avait invité à son mariage prévu juste après la Guerre. Le 11 Juin, jour de la cérémonie, il débarque chez moi en fin d’après-midi et me dit, avec aplomb : «Si ta femme et toi n’assistez pas à mon mariage, il n’aura pas lieu !». La menace était claire : «Vous ne venez pas, je n’irais pas non plus !». Face à un tel amical chantage, je n’avais plus d’autre choix que de m’y rendre. Je pensais encore pouvoir me faire discret, raté ! On nous a placés à la table officielle, en compagnie des pontes de l’Istiqlal. La soirée s’est passée d’une manière parfaite, comme si de rien n’était. En me réveillant, le lendemain, j’ai décidé de ne plus jamais penser à partir. J’ai alors dit à ma femme: «Quoi qu’il arrive, je ne quitterai pas le Maroc».