Soad Belkeziz est architecte et urbaniste. Mais par amour pour sa ville et son patrimoine, la voilà qui fait du dépassement de fonction. Depuis qu’elle a mis les mains dans la restauration du patrimoine de la vielle ville, elle se pose mille questions. Et en découvrant qu’il existe des kilomètres de galeries souterraines datant du Moyen Âge, la plus pressante devient insistante. Mais d’où vient l’eau qui irrigue jardins, mosquées et bassins de l’ancienne capitale chérifienne ? C’est cette enquête qui plonge dans la fondation de Marrakech par les Almoravides jusqu’au temps modernes qui est racontée dans le beau-livre publiée récemment par l’architecte. À sa présentation dans le cadre du mois du patrimoine tenue en mai dernier, Zamane a saisi l’occasion pour en savoir davantage…
Depuis quand vous êtes-vous intéressée à l’Histoire de Marrakech ?
Tout commence dans le cadre d’une étude architecturale de sauvegarde de la médina de Marrakech en 2000. C’est aussi à partir de ce moment que mon exploration historique de Marrakech a débuté. J’ai ensuite étudié l’évolution urbaine de la cité depuis les Almoravides jusqu’à aujourd’hui. Elle a été bâtie sur un modèle radioconcentrique, comme c’était déjà le cas des grandes villes arabo-musulmanes. Le point central était la mosquée, qui était alors bien plus qu’un simple lieu de culte. La mosquée de Ben Youssef par exemple, était aussi un centre du pouvoir et de la justice abritant même une prison. Et justement, la question de l’eau est aussi intimement liée avec cet édifice central, qui n’aurait pas été construit à cet emplacement s’il n’était pas sur le chemin de l’eau.
Comment vous êtes-vous spécialisée dans la question de l’eau en particulier ?
On m’avait confié le travail de restauration d’une très ancienne fontaine au cœur de la médina de Marrakech. Elle s’appelle «chrob ou chouf» (bois et regarde) et se situe à proximité de la mosquée Ben Youssef. Je me suis mis en tête de comprendre le parcours de l’eau, depuis son origine jusqu’à ce qu’elle jaillisse de cette fontaine. Je ne me doutais pas encore que la réponse à ma question se situait à plus de 30 kilomètres de Marrakech et à une cinquantaine de mètres de profondeur. L’autre leçon que j’ai apprise à cette occasion est que, à Marrakech en tous cas, c’était bien l’eau qui dictait l’organisation même du tissu urbain. C’est une découverte qui m’a réellement bouleversé au point où j’ai décidé de consacrer une nouvelle étude axée seulement sur le système hydraulique urbain.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°140