Non seulement nous aimons la France, mais nous aimons l’aimer. Pas tous bien sûr, mais ceux, chez nous, qui croient en l’universel, à la modernité, à une complicité de l’histoire entre nos deux pays. On aime la titiller, la France, la taquiner parfois, manière de dire que les bougnoules que nous sommes peuvent être cartésiens. On n’est plus à deux générations après les indépendances, dans les discours figés sur «al-mousta’mir al-ghachim» (l’inique colonisateur) ou les rentes mémorielles. On fait la part des choses, et on sait faire. Quel bonheur d’entrer de plain-pied dans la littérature des Lumières, de lire Hugo ou Zola dans le texte, de prendre le pari de Sartre ou celui d’Aron, d’avoir connu Dérida avant qu’il ne fût (je veille sur cette vieillerie qui est le subjonctif imparfait avec l’accent circonflexe s’il vous plait) une figure aux états-Unis.
Un double lien nous lie à la France : la séquence coloniale, et fichtre, elle n’était pas négative cette séquence, et puis la langue française, une lucarne au monde moderne. Cela nous donne une longueur d’avance, nous ouvre des perspectives, en Afrique et ailleurs. On ne cache pas notre penchant quand les Bleus jouent, ni notre meurtrissure quand la France est endeuillée.
Pas tous bien sûr, mais, mine de rien (expression que je ne trouve pas à mon goût), la quasi majorité de chez nous, ceux qui considèrent la France comme une seconde patrie, parce qu’elle incarne une idée.
Mais la France nous rend-elle l’amour que nous lui vouons ? Laissons de côté les vicissitudes de la politique, depuis le coup de colère de De Gaulle, «Notre ami le roi», l’épouse morganatique, les hauts et les bas de la coopération judiciaire ou policière, Pegasus, etc. Autant de dossiers où on ne comprend que dalle. Nous le peuple. Le ciel finit par s’éclaircir entre les grands, mais entretemps les petits payent.
La France serait-elle contrariée par l’ouverture anglo-saxonne du Maroc ? Mais la France est liée par moult liens à l’Union Européenne et autres officines, sans que ces liens ne gênent ses rapports avec ses autres partenaires ?
Polygamie à l’Hexagone, erreur au-delà ?
Fait-on alors le procès aux peuples, par cette nouvelle arme de destruction massive, les visas ? Il faut passer par les fourches caudines de procédures contraignantes : formulaire, attestation de travail, compte bancaire, réservation d’hôtel, billet, empreintes digitales, où votre dignité est mise à rude épreuve. Le candidat n’a même pas accès aux autorités consulaires françaises, mais traite avec des intermédiaires. Après un parcours de combattant, on vous envoie un message téléphonique : «Venez retirer votre passeport». Et hop, vous tombez sur le sésame. Désolé, votre demande a été rejetée…
Vous parlez le français à la perfection, vous vous prenez en charge, vous n’êtes pas radicaliste pour un sou, tout au contraire, vous prônez l’universel, vous rejetez l’exclusif… Le visa est pour vous une formalité. Non. Non. Vous vous trompez. Les droits de l’homme et du citoyen, c’est dans le discours de son excellence l’ambassadeur, le 14 juillet, cérémonie à laquelle vous êtes convié pour faire le nombre, sponsorisée par Renault et autres joint-ventures.
On comprend cette nouvelle religion, la souveraineté, on saisit les considérations sécuritaires. Ce qu’on comprend moins, ou pas du tout, c’est que la nation de De Bellay qui vous a nourri de ses mamelles, ferme ses portes à ceux qui lui vouent amour.
Quotas dites-vous ? Mais parlez-moi de critères. Ah, les voies du seigneur sont impénétrables.
Autre dossier où on déplore une frilosité inexplicable, celui des missions culturelles, où il faut montrer patte blanche, pour voir ses chérubins s’égosiller «nos ancêtres les Gaulois», en mode avion cette fois-ci.
Cette sourde et absurde crise entre la France et le Maroc, où on prend un malin plaisir à faire payer les peuples, doit préparer à un rapport adulte entre les deux pays, où foin de caprices et de suffisance.
Si la France n’opère pas une mue, il est à parier qu’elle sera déclassée, car comme disait Régis Debray, elle voyage depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en première, alors qu’elle n’a payé que le prix éco…
Et si on dénonçait la «resquille» ?
It’s up to you, comme on dit.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane
Lire Aourid : un plaisir toujours renouvelé et quelque soit le
sujet abordé , et quelque soit la langue qui véhicule le message , il écrit en effet avec aisance et maîtrise en arabe , français ou anglais , ses analyses politiques d’une pertinence et d’un réalisme qui devraient inspirer les décideurs car il a une vision qui élargit les horizons et balise les chemins du possible pour l’intérêt général.
Je pense que c est un tres bon tournant pour le Maroc. Nos élites doivent reconsiderer cet amour dont parle Hassam Aourid.
Nos elites doivent divetsifier leurs references, leurs cultures adoptees et adoptives, leurs langues etrangeres. La France est deja declassée. Vous n’avez qu a voir le nombre de jeunes qui parlent et apprennent d’autres langues (anglais et korean surtout) et venerent d autres cultures. Essayons autres cultures, autres langues, autres savoirs…
Avec gratitude