Au nom du souverainisme, ensuite de l’efficacité, la marocanisation des terres a parfois et même souvent été détournée de sa vocation.
La terre était au centre de la colonisation, d’une bonne branche de colons attirés par les bonnes terres marocaines en friche. Les colons venaient, au début, de l’Oranie et devaient contourner la disposition des terres collectives, admise et respectée par l’administration coloniale. Faisant valoir le flou juridique, la complicité de fonctionnaires véreux, et usant d’une batterie de structures : cadastres, chambres d’agriculture, banque Paribas, les bonnes terres finirent aux mains des grands colons de Trifa, du côté de Berkane, le Gharb marécageux, de Saïs, avec ses terres collectives pour la plupart, des plaines atlantiques inexploitées. Dans les années 1940, avec la mise en place d’un périmètre irrigué dans le Tadla profita, dans Bni Amir et Bni Moussa aux grands colons.
Qu’est-ce l’indépendance, si ce n’est la récupération de la terre et sa rétrocession aux ayants droit ?
Le retour de la terre à ses ayants droit, ou à ceux qui la cultivent, procédait d’un noble dessein. Certes, la colonisation a contribué à la mise en valeur des terres, avec des circuits de distribution bien huilés, ce qui va aiguiser leur attrait et les convoitises des gens bien placés et des grosses fortunes. Les bonnes intentions brandies cachaient à peine des intérêts sordides. Il y aura, depuis, une coupe réglée dont usera le pouvoir, les mieux placés dans l’administration, dans un processus similaire à celui du Zimbabwe où les colons, ou ceux qui les ont remplacés, avaient la mainmise sur les bonnes terres, ne laissant aux «indigènes» que la main d’œuvre.
Une bonne partie de l’histoire récente du Maroc se tapit dans la distribution des terres. C’est un angle d’attaque qui permet de démêler les écheveaux et faire apparaître les non-dits politiques d’une histoire récente.
Par Hassan Aourid
Lire la suite de l’article dans Zamane N° 134