Petite enquête au pays, racontée à la première personne, pour se rapprocher de la grande petite histoire d’un saint qui était vénéré tant des juifs que des musulmans.
Lors de la préparation de mon livre sur l’histoire de la communauté juive d’El Jadida, paru en 2013, l’écrivain marocain Habib Daim Rabbi a été le premier à me révéler l’existence dans les Doukkala d’un pèlerinage juif organisé sur le lieu dit «kbar jad lihoud» (tombe du grand-père des juifs) au douar ouled Si Boubker dans la tribu des ouled Jerrar, dans l’actuelle province de Sidi Bennour. Il s’agit, en fait, du pèlerinage de rabbi Aron Cohen qui se tenait sur le territoire de ladite tribu, dont l’origine reste inconnue et ne bénéficiant pas d’une identification historique claire.
Sur ces lieux, un pèlerinage annuel était organisé, mais a disparu en 1975 ou 1976. On ne peut que spéculer sur les causes de sa disparition, mais cela est dû, sans doute, à la disparition des communautés juives qui avaient l’habitude de s’y rendre, notamment après le décès des aînés et à l’exode survenu au lendemain de la Guerre des Six-Jours au Moyen-Orient. Enfant, mon interlocuteur a assisté plusieurs fois à cette manifestation qui durait une semaine en présence de quelques centaines de membres des communautés juives principalement d’El Jadida et de Safi. L’ouverture du pèlerinage se faisait en cérémonie officielle par les autorités régionales et locales : une photo de 1963 montre le gouverneur de la province d’El Jadida, à l’époque, qui vint, avec son cortège, présider la cérémonie d’ouverture. Cependant, on constate que les écrits et même les informations courantes sur ce saint sont inexistants. Certes, on trouve des bribes éparpillées notamment sur quelques sites internet, mais qui ne peuvent suffire à éclairer ni sur l’origine du saint, ni sur la raison d’une telle présence au fin fond des Doukkala, dans un environnement exclusivement rural et musulman.
Par Mustapha Jmahri
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