Parcours d’un homme dont la pensée et l’action ont indubitablement marqué son temps. Indissociable du mouvement national, l’œuvre de Mehdi Ben Barka va bien au-delà. Au lendemain de l’indépendance, il a voulu imprimer un choix au nouvel Etat marocain.
Mehdi Ben Barka serait-il réduit à n’être qu’un activiste politique, voire un agitateur doué d’un sens pragmatique ? Certains, pas forcément parmi ses contempteurs, le pensent. Mais un arrêt sur la vie de Ben Barka, courte mais riche, atteste tout au contraire d’une vision, ou d’une action guidée par une pensée. Une pensée évolutive, au gré des circonstances et du contexte, mais avec une trame qui la sous-tend. On ne peut catégoriser une vie, mais on y est obligé pour mieux l’appréhender. Ben Barka a connu trois phases au cours de sa vie active. Celle d’avant l’indépendance, de 1944 à 1956, où l’enthousiasme le dispute au courage ; la deuxième, de 1956 à 1959, où l’action et la pensée prennent une tonalité ingénue et optimiste dans une perspective réformiste ; et puis celle de 1959 à 1965, où la pensée s’inscrit désormais dans une perspective révolutionnaire, avec un sens de l’autocritique et de l’analyse. Durant toutes ces phases, Ben Barka avait une source nourricière, le peuple, qui constitue la trame de son action et de sa pensée. Sa conscience de la notion de classe et son identification au peuple ne pouvaient que lui attirer l’ire des possédants. D’abord avec l’ordre colonial, puis avec l’ordre postcolonial. Mais ce dernier n’était-il pas le continuum du premier, en plus subtil, par d’autres moyens et avec d’autres personnes ? Ce que cet homme d’exception conceptualisera dans un des textes les plus forts de la littérature politique marocaine, L’option révolutionnaire, il l’a entendu de la bouche des paysans amazighs du Tafilalet quand il est venu les remercier à la fin des années 1950 pour les années d’exil qu’il a passées auprès d’eux. Il a entendu ce jugement qui a toutl’air d’un oracle : la faucille a changé de manche, mais c’est toujours la même.
Par Hassan Aourid
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