J’avais toujours considéré la révolution iranienne comme étant le deuxième Big Bang dans la région du Moyen-Orient et qui a déteint sur notre monde, après le premier Big Bang, celui de la création de l’Etat d’Israël qui avaittransformé sa culture politique. J’ai emprunté cette grille d’analyse à un politologue italien, qui avait considéré la création de l’état d’Israël, en 1948, comme un véritable Big Bang, et je l’ai appliqué au contexte conséquent à l’émergence de la révolution iranienne.
Toute la culture politique dans la région avait changé et l’islamisme trouva du mordant. La révolution islamique lui conféra la force motrice et le modus operandi. Imaginez si la révolution iranienne n’avait pas eu lieu, il n’y aurait pas eu d’invasion de l’Afghanistan, ni de radicalisme, point de guerre irano-irakienne, et du coup point de schisme sunnisme-chiisme.
Disons, pour faire cours, que cette conséquence fut néfaste pour le monde arabe et l’a relégué aux oubliettes, si ce n’est pas de l’avoir mis sur le banc des accusés. Le Liban, qu’on aimait appeler la Suisse du monde arabe, sombre dans un enfer dantesque. Rien n’explique la situation du Liban mieux que cette boutade : un état dans le non-état. J’étais moins d’un an à Beyrouth et j’avais du mal à retrouver les traces de ce pays qui nous traduisait la modernité au mode arabe.
J’ai mis beaucoup de temps à arriver à cette conclusion, l’âge aidant, où on est moins enclin aux fanfaronnades : la séquence iranienne fut néfaste pour le monde arabe et a compromis des rapports sereins entre l’Occident et le monde arabe.
L’heure des comptes a sonné. Le géant, ou ce qu’on percevait comme tel, a les pieds d’argile. Je ne parle pas des infrastructures vétustes, de l’équipement d’un âge révolu, (rappelez-vous le président Ibrahim Raissi, mort d’un crash d’hélicoptère qui date des années 1970), mais surtout ce qui devrait être l’antre du régime, son appareil sécuritaire, qui n’est pas si compact qu’on le disait. L’idéologie du système n’arrive plus à gagner le peuple. On a beaucoup parlé de taupe iranienne, qui aurait filtré l’information sur le lieu où devait se trouver Hassan Nasrallah. La récurrence de telles fuites ne peut s’expliquer que par l’argent, mais par le fait que ceux qui sont dans les appareils sécuritaires ne croient plus au système qu’ils sont censés servir.
Je préfère arrêter les conjectures, mais l’Iran ne retrouvera plus sa superbe. L’assassinat de Hassan Nasrallah est le coup le plus dur que les Mollahs ont essuyé, et dont l’ampleur dépasse celle de Kacem Suleimani. C’est une défaite qui s’apparente à celle de l’Egypte en 1967, qui a mis fin au nassérisme. Un monde était mort ce jour-là et un autre a vu le jour.
Et demain sera un autre jour. La séquence iranienne est en train d’entrer dans le trou noir et entrainera ses astres dans le gouffre. Moralité : les fanfaronnades n’ont jamais été un bon conseil. Comprendra qui voudra.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane