Les connaisseurs de la subtilité de la langue espagnole, et je n’en suis pas un, disent que Valé en espagnol, est une expression intraduisible, qui signifie, en français, «très bien, allons-y, soit !», en anglais «Ok, I hear you», en dialectal marocain «Kayna», et en amazigh «a yenna ay di llan, immut wawal, Ddu yat». La décision rendue publique par le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, dans une lettre adressée au Roi Mohammed VI, de reconnaître le plan d’autonomie comme cadre de solution du problème du Sahara, est une de ses séquences dans l’histoire qu’on ne peut rendre par ce mot espagnol : Valé.
Il faudrait être aveugle, sourd, autiste, pour ne pas saisir la portée d’une telle décision, la plus importante diplomatiquement, depuis que le conflit est conflit. Elle porte l’ébauche de solution finale, car il s’agit de l’autorité ayant administré le territoire, qui connaît ses interstices, ses dits et non-dits. Longtemps, l’Espagne a été frileuse sur la question, et sa position se voulant neutre, était entachée de partialité subtile, avec une hargne des extrêmes, droite comme gauche. Là, l’Espagne a fait sauter un verrou.
La décision de l’Espagne, mûrement réfléchie dans une nouvelle séquence du monde, aura des conséquences incommensurables : d’abord sur l’Europe, puis sur l’Amérique latine, et plus important encore sur le Polisario lui-même, sans parler des Saharaouis dans la zone grise.
Nous devons être au diapason avec ce nouveau tournant. En changeant de paradigme. L’Espagne n’est plus qu’un partenaire, mais stratégique, et le plus important.
Ortega Y Gasset, le grand philosophe espagnol, disait que l’Espagne n’avait que la voie du nord pour se défaire des miasmes du passé. Belle recette valable pour nous aussi.
Nos esprits les plus brillants avaient privilégié l’approche verticale au détriment de celle horizontale, mais pour des raisons qui tiennent au politiquement correct, ils le disaient mezzo voce, pour ne pas s’attirer l’ire de ceux qui avaient le nombre, mais surtout les leviers idéologiques.
Depuis cette décision de l’Espagne sur le Sahara, il faut sortir de la zone grise, et dire tout haut ce qu’on pensait tout bas. Il faut être résolument moderne, disait Rimbaud, et il faut résolument épouser le Nord.
Mais au-delà des intentions, il faut des gages. Nous devons repenser nos relations avec l’Espagne, passé, présent, futur, histoire et géographie, sans oublier l’économie et la culture.
Nous sommes interpellés, tous. Nous devrons repenser les problèmes épineux, tels Sebta et Melilia, sans frilosité. Au lieu d’une pomme de discorde, faisons-en un lien de concorde. Il faudra faire preuve d’imagination et de pragmatisme. Là où se trouve l’intérêt de tous.
Le deuxième impératif est de mettre fin à une aberration, suite à cette fausse image, construite par le colonialisme français sur l’Espagnol fauché («sbanyoli al hazzaq»). La langue espagnole doit regagner ses lustres, à commencer par être dispensée là où elle était, au Nord et au Sud.
Et quel mal à ce que nos partenaires espagnols soient privilégiés économiquement ?
On va célébrer ce tournant par un télé feuilleton sur la conquête d’al-Andalus, diffusé, grâce soit rendue, par notre bien louée chaine de télévision publique. Par Allah, on montrera à ces maudits mécréants qu’on était plus forts, qu’on les a sortis des ténèbres, et qu’on prendra notre vengeance sur la Reconquista… J’arrête la plaisanterie. J’ai le tournis. Soyons sérieux. Arrêtons la mauvaise plaisanterie et mordons sur l’avenir. Il n’y a que cela de vrai. Pour l’Histoire, il y a des professionnels qualifiés pour en parler. Ce ne sont pas des amateurs venant d’ailleurs qui nous montreront la voie. Claro que si.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane