L’année 2016, que nous venons de quitter, a été réellement marquante, mais en creux. Aussi sélective qu’elle soit, la mémoire a du mal à enregistrer, à quelques grosses exceptions près, des faits franchement positifs, si ce n’est avec des pointillés pas très prononcés. Pour l’inverse, c’est carrément quartier libre, particulièrement au niveau politique. Tout au long du dernier trimestre 2016, nous avons vécu sans gouvernement. Un peu comme pour prouver que l’on pouvait s’en passer, non seulement dans la vie de tous les jours, mais aussi dans le fonctionnement institutionnel du pays. Ce qui n’est pas forcément un signe de bonne santé politique. On est amené à se demander, ne serait-ce qu’intuitivement, s’il n’y a pas quelque part un vice de fond qui fait passer un dysfonctionnement institutionnel pour une situation normale ; en tout cas, sans réel impact sur le Maroc politique.
Le triptyque monarchie-parlement-gouvernement peut très bien fonctionner sans ces deux derniers éléments constitutifs. Va pour les difficultés, bruyamment murmurées, qui ont retardé la formation d’un Exécutif viable et fiable. Mais que dire d’un parlement qui a été lui aussi pétrifié par l’absence d’un gouvernement ? Alors que cette représentation de la volonté populaire, élue au suffrage universel direct, est une instance souveraine de contrôle et de production de lois. Le sort de la deuxième chambre, à caractère social, économique et environnemental, n’a pas été meilleur non plus. Elle s’est complètement évanouie dans la nature en attendant, elle aussi, la fumée blanche annonçant la naissance providentielle d’un nouvel Exécutif. A l’évidence, il y a soit une simple incompréhension de la Constitution de 2011, qu’il convient de rattraper au plus vite, soit une véritable tare constitutionnelle qui appelle amendement et réécriture. Les législatives du 7 octobre 2016 étaient la dernière étape d’une longue marche vers l’installation d’un paysage électif total, du local au national, en passant par le régional. Cette consultation populaire devait être un modèle de régularité électorale reconnu par toutes les parties prenantes. L’unanimité requise n’a pas eu lieu. Des doutes, puis des dénonciations, ont été exprimés de l’intérieur même du gouvernement. On a alors assisté à un bras de fer, à coups de déclarations et de contre-déclarations, sur le choix de la référence première pour la formation du gouvernement : le jeu des statistiques électorales ou l’option carrément partisane d’une coalition exécutive.
Tout est politique, disait l’autre, mais 2016 ne pouvait qu’avoir des prolongements économiques et sociaux. Au niveau social, l’année a été synonyme de vie chère. Les prix ont pris l’ascenseur, mais pas les salaires et les revenus modestes. L’affaire étant entendue par les plus démunis, la classe moyenne s’est vue un peu plus laminée. Pour en débattre dans un cadre institutionnel établi, il fallait bien prendre le passage obligé du dialogue social entre gouvernement et syndicats. Or, c’est cette concertation qui a le plus manqué, avant de tomber complètement en panne.
Comme si toutes ces notes négatives n’étaient pas suffisantes, la campagne agricole 2016 a été dramatiquement déficitaire, pour cause de sécheresse pendant la période où il fallait retourner la terre et ensemencer. Il s’agit là d’un registre essentiel et vital, à forte portée socio-économique, accompagné d’une résonance politique certaine. Tous ces éléments font que 2016 ne sera pas d’un bon souvenir. A l’exception, somme toute, de notre ouverture, sans précédent, sur l’Afrique et le souhait de réintégration du Maroc à l’instance de représentation continentale, l’Union africaine. Une perspective encore en suspens, bien qu’elle s’annonce sous de bons auspices, tout autant que les pluies d’un automne prometteur.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION