Comment les jeunes Marocains ont toujours été en première ligne des revendications indépendantistes, aussi bien sur le plan des idées que sur le terrain.
Les futurs leaders nationalistes sont des jeunes gens instruits. Certains sont élèves dans les écoles du protectorat, donc bilingues, mais la majorité sont inscrits dans les écoles et universités traditionnelles. Au début des années 1920, ces jeunes sont en pleine adolescence. Leur implication dans les événements qui secouent le pays va les plonger directement dans l’âge adulte. C’est vers 1925 que se produit la césure. La révolution du Rif, guidée par Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi, est au summum de son rayonnement. L’intelligentsia citadine, habituellement méfiante et méprisante vis-à-vis des « gens des campagnes », suit avec un intérêt mesuré les exploits du Rifain. Ses victoires ont pour elle une valeur symbolique qui aide à supporter l’arrogance des agents du protectorat, surtout en zone française.
Mais pour les jeunes, Khattabi n’est pas seulement un symbole: c’est un exemple à suivre. D’ailleurs, les services de renseignement du protectorat français ne s’y trompent pas. Les contrôleurs civils et militaires sont sommés par leurs supérieurs de fournir des informations détaillées sur les répercussions sociales des événements du Rif. L’étude critique de ces rapports – une véritable mine d’informations – montre que l’intérêt des populations était réel. Le contrôleur civil de la ville de Mogador (Essaouira) écrit ainsi dans son rapport d’avril 1925 : «la bourgeoisie musulmane de la ville et les centres religieux de la banlieue (zaouïas) se sont beaucoup intéressés aux événements du Rif (…). La déroute des Espagnols, s’ajoutant aux succès des Turcs sur les Grecs, affirme de plus en plus dans l’esprit de nos ressortissants qu’une armée musulmane est actuellement de taille à écraser une puissance européenne». De même, le contrôleur militaire de la région de Marrakech estime en février 1925: «Préoccupée par des soucis d’ordre matériel, et par la situation agricole qui retient toute son attention, la masse ne prête qu’une oreille distraite aux événements d’Orient et du Rif, que seule l’élite lettrée continue à suivre avec intérêt».
Par Mostafa Bouaziz
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