J’ai bien aimé le dossier de Zamane sur le Maroc Atlantique (numéro 163). Mais je me suis posé quelques questions en revenant aux itinéraires d’Al Bakri, Cet auteur nous donne quelques indications sur des ports de la côte atlantique au début du XIème siècle. Ces données sont peu précises, mais elles posent des interrogations sur un trafic maritime possible lelong de la côte atlantique. Le récit commence par une référence à ce qui pourrait être le Banc d’Arguin, un endroit d’hivernage nommé Aoua. De toute évidence, ce lieu n’est pas un point de départ maritime vers le nord car c’est de là que partent les caravanes qui arrivent à Noul Lamta, première ville musulmane au sud du Souss, après deux mois de route. Al Bakri nous décrit ensuite un itinéraire de cabotage maritime tout le long de la côte atlantique. «Les navires mettent trois jours pour se rendre des plages de Noul Lamta jusqu’à (l’embouchure) de Ouadi Souss. Ensuite, ils font route vers Ameghoul (Essaouira), un bon mouillage d’hivernage. De là, ils se dirigent vers Kouz, le port d’Akhmat. Ensuite ils se rendent à Safi, puis à Al-Beida (site de Casablanca), puis à Fedahla, le port de la Tamesna, le pays des Berghwâta. De là, on se rend à Mersa Marifen ( ?), puis à la rivière de Sala. De là, on se dirige vers la rivière Sebou. Puis à Sefsed ( ?). De Sefsed, on arrive à Haud qui est le bassin d’Asilah».
Questions sans réponses
Le récit fait alors un saut et reprend sur des ports de la Méditerranée, mais sans référence à d’autres ports et mouillages qui sont repris dans d’autres itinéraires. Le port de Tanger est également cité, mais il est considéré comme un port dangereux. Sebta est le grand port sur la Méditerranée et le lien principal avec
Al Andalus. L’itinéraire maritime le long de l’Atlantique occupe une place bizarre dans l’ouvrage d’Al Bakri. Il se trouve en effet dans le chapitre consacré au routier d’Alexandria à Antalaya. Il n’en reste pas moins que le récit nous donne une indication très nette de l’existence d’un cabotage maritime. Mais nous ne savons rien des navires et de leurs marins. Ce que suggère la mention des ports, c’est qu’il devait exister des exportations par mer. Que vendait le port d’Akhmat ? Et celui des Berghwâta ? Des céréales, des peaux pour Al Andalus ? Après Asilah, des navires se rendaient-ils à Sebta pour ne pas affronter les difficiles côtes de l’Atlantique ibérien ?
Je n’ai bien sûr que des questions sans réponses. Mais je crois qu’il était utile de rappeler cet itinéraire maritime qui change un peu le regard d’un Maroc ancien qui ignorait l’Atlantique.
(Je me réfère à l’ouvrage de «La description de l’Afrique Septentrionale» de Abou Obeid al Bekri, traduction et texte en arabe par Mac Guckin de Slane, Maison neuve, édition de 1965).
Par Grigori Lazarev