La meilleure manière de raconter un personnage comme Ahmed Bouanani est de le raconter à la première personne. Prêts ? Partez !
Nous sommes dans les années 1980, une amie devait récupérer un document chez quelqu’un à Rabat avant de me raccompagner à Casablanca. Elle m’invite à passer chez des amis, le temps de dire bonjour, récupérer le document et repartir. Nous nous engouffrons dans le couloir d’un immeuble, j’oublie si c’était au rez-de-chaussée ou à l’étage, mais je me trouve dans une habitation qu’il m’est difficile de qualifier aujourd’hui. Était-ce un appartement, un studio ou autre lieu de résidence indéfinissable ? Je ne savais pas chez qui j’allais, ni quel personnage j’allais rencontrer. L’amie ne m’avait rien dit. Le soleil avait déjà entamé son plongeon dans l’océan de Rabat, et l’habitation dont on franchissait le seuil, mon amie et moi, était déjà enveloppée dans une légère obscurité. Je me trouve à l’entrée, après l’ouverture de la porte, devant une scène du peintre espagnol Francisco Goya. Très peu de couleurs et une touche tragique émanait de la scène. Comme par magie, des lumières venaient exposer certains objets et oblitérer d’autres. Mon regard était dirigé vers le premier personnage assis, au fond de la pièce, comme dans une scène absolument théâtrale. Dès que mon regard tomba sur lui, je l’ai tout de suite reconnu. C’était bien le cinéaste Ahmed Bouanani, dont je connaissais déjà les textes amoureux et savants sur la culture populaire dans les premiers numéros de la revue «Souffles» que dirigeait Abdellatif Laâbi et qui fut arbitrairement interdite au début des années 1970. Mais il était surtout celui qui avait enchanté les cinéphiles de ma génération par son film «Mirage (Assarab)».
Par Moulim El Aroussi
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