Le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir… Ou plutôt de s’en sortir, surtout dans les années 1970-1980, quand les oasis de liberté se comptaient sur les doigts de la main.
Eduqué dans un bilinguisme à l’équilibre improbable, j’ai commencé l’exercice du journalisme dans la langue qui me semblait la plus proche de ma manière de penser et de lire le monde. Non que je ne pusse le faire en arabe, mais parce que cette dernière, superposée à la langue maternelle, darija, «chahutaient» ensemble mes idées. De plus, certains professeurs d’arabe et leur façon de penser et de se comporter m’ont quasi définitivement convaincu que je ne pouvais rien attendre de ce côté-là. Je fais partie donc de cette dernière génération d’élèves scolarisés au début des années 60 qui va échapper de justesse à la première vague d’arabisation au pas de charge imposée arbitrairement et collectivement à notre jeunesse. La deuxième vague, on le sait, va ajouter une couche d’islamisation et ce avant même que la déferlante wahhabite ne fasse le reste. D’autres réformes, réformettes, sauts d’humeur politiques et autres aberrations pédagogiques ont fini par abrutir pas moins de deux générations tout au long d’un demi-siècle. On en paie encore le prix aujourd’hui. Nous étions si peu nombreux en ce temps-là (à peine une centaine et je portais le numéro 78 sur ma carte de presse sur un total d’à peine une centaine). Il faut rappeler que l’on n’a commencé à délivrer les cartes de presse professionnelles qu’au début des années 80. Ma carte de presse portant le numéro 78 me fait passer aujourd’hui pour un dinosaure au point que, sur celle qui m’a été octroyée pour l’année 2017, on a écrit à la mention statut : «journaliste d’honneur». C’est trop d’honneur ! Mais, dites-moi votre honneur! Qu’est-ce qu’un journaliste d’honneur ? Je ne suis plus un journaliste «professionnel» donc, mais encore moins un historien. Ni officiel, ni officieux, ni commis d’office. En simple chroniqueur, j’écris un récit, je passe en revue et j’évoque au grès de mes souvenances, mémoire en bandoulière et mains dans des poches troués. Je parle d’un temps passé et d’un autre qui passe. Une brève histoire d’un passé composé…
Par Najib Refaïf
Lire la suite de l’article dans Zamane N°116