Émanation est le titre de l’exposition en cours à Marrakech à la galerie Habib Kibari en hommage à l’artiste calligraphe Moulay Hassan Haïdara, décédé en 2023. Lauréat en 2019 du Prix Mohammed VI de calligraphie, l’artiste était également écrivain et poète. Si ses collègues et amis se retrouvent aujourd’hui pour lui rendre hommage, c’est parce qu’ils le considèrent comme l’un des piliers de la pratique de la calligraphie dans le Maroc moderne. Les œuvres des artistes Mohamed Abaoubaida, Mustapha Amnaine, Mohamed Boustane, Larbi Cherkaoui, Elhoucine Farsaoui, et Abdelghani Ouida viennent témoigner de l’importance qu’occupait Moulay Hassan Haïdara sur la scène artistique de Marrakech.
Et comme si le hasard avait voulu que l’artiste défunt porte le même nom qu’Abdelkader Haïdara, l’ange gardien des manuscrits de la cité de Tombouctou, descendant de la célèbre famille du même nom, qui depuis le XVIème siècle, préservait les trésors manuscrits recueillis dans toute l’Afrique de l’Ouest et au Maroc. Faut-il rappeler que le commerce des manuscrits entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne était, à cette époque, aussi important que celui des armes ? Il n’est donc pas étonnant de voir s’ériger de véritables centres religieux et spirituels (soufis) sur toute la route reliant la ville ocre à l’Afrique en passant par Tindouf, Atar, Chenguit, et au-delà.
Émanation est donc un moment de méditation et de célébration de cet art qui a su magnifier la pensée humaine, les textes religieux et spirituels afin de les transformer en véritables œuvres d’art. Par ailleurs, est-il étonnant de voir fleurir ce genre artistique dans la ville de Marrakech ? Absolument pas.
La ville de Youssef Ibn Tachfine et des Sept Saints regorge de joyaux artistiques ornés de belles calligraphies. Je ne citerai que le quartier des Mouassine. Un véritable musée où l’art, l’architecture et les différents matériaux nobles s’allient pour offrir aux regards une œuvre d’une subtilité et d’un raffinement très rares. Les calligraphes de l’époque avaient déployé leur dextérité afin de graver sur le marbre, le gypse, le bois ou même la pierre des versets du Coran ou des textes de prière adressés à l’invisible, permettant ainsi le lien entre terre et ciel, entre le passé et l’avenir.
Cette exposition en hommage à Moulay Hassan Haïdara pourrait bien être aussi un hommage aux artisans artistes de Marrakech qui, par humilité face au Créateur Suprême, à qui ils vouaient un respect absolu, n’ont pu apposer leurs signatures sur leurs œuvres éternelles.
Puisse donc cette exposition-hommage être le moment et le lieu d’une réflexion sur le quartier saâdien des Mouassine et sur ses splendeurs. Que des efforts artistiques et académiques puissent se mutualiser pour révéler les secrets, encore sous-analysés, de ces édifices d’une rare beauté. L’exemple des Mouassine ne doit pas cacher l’importance des autres quartiers que le nouvel orientalisme occidental est en train de transformer d’une manière pas toujours heureuse.
Cette exposition offre une occasion unique de réfléchir sur la Médina. Saisissons-la !
Par Moulim El Aroussi