L’heure est grave. Le Maroc connait une importante épidémie de rougeole ayant occasionné, en moins de quinze mois, près de 20.000 cas et 107 décès, selon des estimations officielles.
On l’avait oubliée ou presque. La maladie des boutons rouges, que les Marocains appellent «Bouhamroune», est de retour. Un retour d’abord silencieux, puisque confiné dans le sud du pays (région de Souss-Massa), avant de se répandre au fil des mois à d’autres villes et régions. Le retour spectaculaire de cette maladie virale s’explique, en premier lieu, par les dégâts collatéraux de l’ère Covid-19. La pandémie avait, à l’époque, drainé tous les efforts et concentré toute l’attention à la fois de la société et des autorités sanitaires. Une concentration qui s’est faite au détriment d’autres maladies, non moins contagieuses et dangereuses. Résultat : des retards et une perturbation générale des cycles de vaccinations (au nombre de deux) liés à la rougeole. Il faut dire aussi que la sinistre ère de la pandémie s’était accompagnée d’une paranoïa montante, et souvent infondée, par rapport à toute forme de vaccination. Plusieurs maladies contagieuses, dont la rougeole, ont souffert de ce facteur psychologique. D’où la baisse ou les retards de vaccination. L’actuelle épidémie s’apparente à une authentique crise sanitaire. Ce n’est en effet pas un hasard si les autorités publiques ont mis en place un plan d’urgence avec une vaste campagne de rattrapage vaccinal. Le ministère de la Santé n’est pas le seul concerné, celui de l’Education nationale aussi (la maladie frappe d’abord les jeunes enfants avec risque de transmission au personnel scolaire), le tout sous la houlette de l’Intérieur. Autant dire que c’est tout le gouvernement qui s’attèle à contenir la propagation du mal. Dans l’histoire récente du royaume, et avant de faire l’objet d’un programme national de vaccination l’un des plus efficaces, au demeurant), «Bouhamroune» a été, au moins jusqu’aux années 1960, l’affection la plus répandue sur le plan national. Une maladie quasi-obligatoire. Pratiquement tous les Marocains ont connu cette poussée de boutons rouges, parfois accompagnée de diarrhées et de déshydratation, au courant de leur enfance. Souvent sans gravité, mais parfois dangereuse, voire dans certains cas mortelle, la survenue de la maladie était immunisante et constituait ainsi une forme de vaccin naturel pour les futurs adultes, les protégeant pour le reste de leur existence. Inversement, les adultes qui ne l’ont pas eue en enfance devenaient plus exposés (et c’est le cas pour une partie des maladies virales, dont certaines sont connues pour être opportunistes). Dans l’immédiat, le risque le plus important, au-delà de la mortalité, reste lié à la fermeture éventuelle de certaines classes. Le Maroc n’en est pas exactement là, mais la possibilité est réelle. À signaler aussi que le retour galopant de «Bouhamroune» ne concerne pas que le seul Maroc mais semble répondre à une légère tendance mondiale, dans tous les cas liée à la non (ou à la mal) vaccination.
En somme, le Maroc n’est pas le seul à voir rouge.