Figure de l’islamisme radical, condamné à 30 ans de prison après les attentats de Casablanca en 2003, Mohamed Fizazi multiplie les revirements et les sorties médiatiques.
L’image a fait sensation : Mohammed VI, terminant sa prière du vendredi, marche vers Mohammed Fizazi et le salue chaleureusement, tout en échangeant quelques mots avec lui. La présence du roi au prêche d’un cheikh salafiste, réputé radical, étonne. Pourtant, cet évènement n’est que la suite logique d’un processus entamé avec la grâce accordée par le souverain à Mohammed Fizazi en 2011. Pour le chercheur Abdellah Rami, le processus a démarré avant la libération de Fizazi : « À l’époque où il était encore en prison, Mohammed Fizazi était l’élément principal d’une cellule spéciale dont faisaient également partie des généraux proches du roi. Cette cellule se réunissait de manière régulière. La remise en question et la révision de la ligne idéologique de Fizazi étaient au centre des discussions entre les généraux et le cheikh salafiste ». Libéré en 2011, Mohammed Fizazi enchaîne les apparitions médiatiques et appelle ouvertement à voter en faveur de la Constitution de 2011. Par la suite, Fizazi obtient la permission d’officier à une mosquée de Tanger. En janvier 2014, l’ex-jihadiste est invité sur 2M pour donner son point de vue sur la lutte contre l’extrémisme. Pour Abdellah Rami, tous ces évènements font partie d’un programme préalablement établi par le palais royal. Le hasard a donc peu de place dans l’action politique et médiatique du cheikh. La présence du roi au prêche de Fizazi a également pour objectif de lancer des messages, aussi bien internationaux que nationaux. Selon Abdellah Rami, « en récupérant une des figures de la salafiya, le roi, en sa qualité d’Amir Al Mouminine, coupe l’herbe sous le pied des Qataris qui avaient eux-mêmes l’intention de récupérer Mohammed Fizazi, qui a déjà personnellement rencontré l’ancien émir du Qatar ». Au niveau interne, normaliser les relations entre l’État et certaines figures de la salafiya revient à montrer que seul le roi est capable de contrôler la sphère religieuse, mais aussi d’encourager les autres salafistes à mieux s’intégrer dans la société et changer de référent idéologique. Fizazi est ainsi présenté comme un modèle à imiter. Il est bien loin le temps où l’ancien jihadiste répondait à ses fidèles, qui lui demandent en 1998, pourquoi il ne prêche pas dans La Grande mosquée de Tanger : « Je ne veux pas prier là-bas, car je refuse de prier pour un tyran ». Quinze ans plus tard, Fizazi ne tarit pas d’éloge sur le roi et se dit heureux et honoré de prêcher devant Amir Al Mouminine.
Par Reda Mouhsine
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