À l’occasion du trentième anniversaire du Grand Prix Hassan II de tennis, les amateurs de ce sport se souviennent des belles années marocaines. En attendant la relève de joueurs, le tournoi continue de grandir.
les anciens sont unanimes, Mohammed V avait le niveau pour faire de la compétition. Plus qu’une simple pratique, une véritable passion. À l’époque de l’Indépendance, le tout nouveau roi du Maroc ne se déplace pas sans ses partenaires de jeu, à savoir Lahcen Chadli et Ali Larousssi. Des pionniers dans leur genre. Cet engouement est plutôt de bon augure pour le développement de ce sport dans le royaume. D’autant que le successeur au trône hérite aussi de la même passion pour le tennis. Pratiquant invétéré, Hassan II perpétue les habitudes de son père en récupérant ses deux acolytes. Le roi y ajoute même deux autres noms : Ahmed Karnass et Ahmed Ben Ali. Du côté de la fédération marocaine, Mohamed Mjid, que l’actualité rappelle tristement à sa disparition, est le patron incontesté. Durant ses quarante années de présidence, son objectif est de populariser la pratique de ce sport. Pourtant, difficile de chasser l’étiquette qui colle au tennis, celle de sport de riches. Évidemment, la logistique est coûteuse et la pratique n’est pas très populaire. Mais, comparativement à d’autres pays similaires, nous pouvons parler d’une exception marocaine. L’histoire contemporaine prouve bien que le pays peut se doter de grands champions capables de se mesurer aux meilleurs joueurs du monde. Ces exploits ne sont évidemment pas le fruit du hasard. La création du Grand Prix Hassan II par le monarque, en 1984, a justement pour ambition l’éclosion de talents nationaux. Par ailleurs, le tournoi présente l’opportunité au public marocain, friand de tennis, de pouvoir assister à un spectacle de haut niveau. Une formule gagnante qui a tout de même dû attendre la consécration. Aujourd’hui, le tournoi tient son rang parmi ceux qui comptent dans le circuit ATP (L’Association des joueurs de tennis professionnels). Il est classé dans la catégorie 250 (le seul en Afrique), c’est-à-dire que son vainqueur se voit attribuer 250 points au classement de l’ATP. Une notoriété obtenue aux prix de nombreux efforts et d’une vision à long terme, malheureusement souvent absente dans la gestion politique du sport national. La période bénie du tennis marocain atteint son apogée dans les années 1990 avec l’émergence du trio, surnommé : « Les trois mousquetaires ». Hicham Arazi et Younès El Ayanoui remportent le tournoi respectivement en 1997 et en 2002, tandis que leur compère, Karim Alami, est finaliste lors de l’édition 1994.
Monter au filet
Les ancêtres du tournoi n’ont sûrement pas le même parcours, mais ils se permettent tout de même de compter des invités de marque. Entre 1956 et 1963, ont lieu les « Internationaux du Maroc » qui voient la participation de joueurs reconnus, dont le plus fameux est l’Espagnol Manolo Santana, double vainqueur de Roland Garros (1961 et 1964) et titré une fois à Wimbledon (1966). Dans le début des années 1980, les clubs marocains qui jouissent de la plus grande notoriété organisent des tournois dits d’exhibition. C’est ainsi que le Club Olympique Marocain (basé à Rabat) reçoit la vedette française Yannick Noah, lui aussi maître de Roland Garros en 1983. Khalid Outaleb, ancien joueur et actuel directeur du Grand Prix Hassan II, se souvient de cette époque charnière de l’histoire du tennis marocain : « Tous les efforts de l’époque entrepris par la fédération étaient orientés vers une intégration d’un tournoi dans le grand circuit ATP ». L’heureux élu est le Grand Prix Hassan II dont les premières éditions se déroulent à Marrakech. Pour l’heure, le tournoi n’est pas encore intégré au plus haut niveau, mais permet à de jeunes pousses marocaines de s’endurcir au contact de professionnels étrangers. Le Grand prix, sous l’impulsion de Hassan II, voit grand et vise haut. Pour ce faire, il n’existe qu’une seule solution d’après Khalid Outaleb : « Pour séduire l’ATP, le tournoi devait changer de dimension. La logistique à Marrakech n’était pas suffisante. La décision a été prise pour déménager à Casablanca ». C’est chose faite en 1988 avec la naissance du complexe Al Amal, situé la route d’El-Jadida. Ironie du sort, cet emplacement était auparavant une pépinière. Tennistiquement, la fonction reste la même : faire pousser les graines de champion. Les trois mousquetaires ne laissent pas passer leur chance.
Les trois mousquetaires font mouche
« Jeu, set et match Hicham Arazi ! ». Lorsque l’arbitre de la finale de l’édition 1997 prononce cette phrase, personne ne l’entend. La foule est déjà en délire. Pour la première fois, un joueur marocain remporte le Grand Prix Hassan II. La joie du public est à la hauteur de l’espoir suscité par trois garçons qui ont le vent en poupe. Trois Marocains qui réalisent l’exploit simultané de faire partie de la crème des joueurs de tennis sur la planète. Déjà en 1993, le grand Younès El Ayanoui se hisse jusqu’à la finale du tournoi. L’année suivante, c’est au tour du costaud Karim Alami d’atteindre le même stade de la compétition. C’est finalement au « magicien des courts » que revient l’honneur de remporter le tournoi, chez lui, à Casablanca. Un style tout en touché et en finesse lui permet de décrocher le Graal tant attendu. Il faut attendre l’année 2002 pour voir Younès imiter cet exploit. En finale, le Marocain parvient à se défaire en trois sets d’un grand spécialiste de la terre battue, le coriace argentin Guillermo Cañas. Le Grand Prix Hassan II réalise un défi de taille : faire exister le Maroc sur la scène tennistique mondiale. Un véritable exploit. Depuis cette date et en attendant une relève qui tarde à pointer le bout de son nez, le tournoi casablancais se fait un nom. De grands joueurs viennent laisser leurs empreintes sur la terre battue du complexe Al Amal, dont le court central peut désormais abriter 5 500 spectateurs. Pour Khalid Outaleb, ce tournoi est particulièrement chargé en émotions. Il évoque les petites histoires qui font les grandes : « Le Grand Prix Hassan II est souvent le tournoi de la renaissance. L’Autrichien Thomas Muster, ex-numéro un mondial, a remporté le tournoi en 1990. Il venait alors de subir un grave accident de la circulation qui mettait sérieusement sa carrière en suspension. C’est à Casablanca qu’il s’est relancé ». Le cas de l’Espagnol Tommy Robredo est comparable. Longtemps blessé au dos, il fait un retour fracassant et remporte le tournoi en 2013. Pour une réussite totale, le Grand Prix a besoin de l’engouement du public. Ce dernier attend probablement la nouvelle génération de joueurs locaux dont le défi inouï est d’imiter leurs glorieux aînés.
Par Sami Lakmahri
Abdallah » El Jahichi dit Karnas – Ahmed Ben Ali a été un grand champion mais ne faisait pas partie de l’équipe des entraîneurs d’Hassan II – Les premiers Internationaux du Maroc ont eu lieu en 1957 au Stade marocain à Rabat (nous n’avons pas trouvé d’existence de ces Internationaux en 1956).