Salaheddine Mezouar : L’année trouble
Comment passer d’un profil de Premier ministre à honni de la fonction publique. Six mois à peine après avoir investi le fauteuil de président de la CGEM, Salaheddine Mezouar a démissionné le 13 octobre. S’il évoque pudiquement des «contraintes personnelles majeures», son retrait est directement imputé à des propos tenus sur la situation politique en Algérie, dont il a salué le «mouvement pacifique» et encouragé l’armée au pouvoir à «composer avec le peuple pour ouvrir la voie à la démocratisation du pays». Des paroles que le département des Affaires étrangères ne considère pas comme banals, puisqu’un communiqué recadre vivement l’ancien ministre : «La CGEM ne peut se substituer au gouvernement dans la prise de positions sur les questions internationales et notamment le développement dans ce pays voisin. La position du royaume à ce sujet est claire et constante». Le texte ajoute que «le Maroc a décidé de s’en tenir a une attitude de non-ingérence par rapport aux développements en Algérie. Il n’a ni à se mêler des développements internes que connaît ce pays voisin, ni à les commenter».
Youssef El Azzouzi : Sciences et télévision
Son nom et son visage sont apparus d’un coup. Youssef El Azzouzi s’est fait une réputation en remportant pour la 11ème saison de l’émission de téléréalité «Stars of Science», diffusée par Qatar Television. Et ce n’est pas pour ses qualités de chanteur ou pour son physique que le jeune Marocain s’est fait une place dans le petit écran. Comme l’indique le nom de ce programme très suivi dans le monde arabe, El Azzouzi s’est distingué par une invention d’utilité publique. En effet, il est l’auteur d’une innovation dans le domaine médical qui consiste en un «Stent d’Ajustement du flux sanguin», c’est-à-dire un procédé qui vient en aide aux patients atteints d’insuffisance cardiaque congestive. Une distinction remarquée au Maroc et à l’étranger, et qui devrait ouvrir de grandes perspectives de carrières au jeune inventeur. Youssef El Azzouzi, diplômé de l’American School of Rabat, a étudié à l’Université d’Oxford en Grande-Bretagne, puis à l’Université de Boston, avant de se lancer dans des études de médecine dans des universités turques.
Driss Jettou : Inspecteur en chef
Il est la terreur des responsables politiques depuis qu’il est à la tête de la Cour des Comptes en 2012. L’ancien Premier ministre est aujourd’hui plus craint que lors de son mandat à la primature (2002-2007). Il faut dire que son nouveau poste consiste à contrôler la régularité des comptes publics de l’Etat. Un champ miné, où toutes les dérives sont possibles. Driss Jettou continue son inspection et épingle cette fois les chercheurs universitaires, dans la dernière livraison du rapport de la Cour des comptes en septembre 2019. Et les chiffres sont pour le moins alarmants. Le texte revient sur la production scientifique de l’année précédente et note «le faible taux d’adhésion des enseignants chercheurs aux structures de recherche». L’institution dirigée par Driss Jettou a également enquêté sur les doctorats de l’université, où elle pointe du doigt la gestion des centres d’études doctorales par les universités. Par ailleurs, le Parquet général près des juridictions financières a décidé la poursuite de 114 personnes, en matière de discipline budgétaire et financière. Le grand ménage est loin d’être terminé.
Asmaa Lmrabet : Femme libre
L’année du dévoilement. Déjà star médiatique les années précédentes, l’intellectuelle Asmaa Lmrabet ne s’est pas reposée en 2019. En 2018, l’essayiste spécialisée dans les études féminines en islam avait fait parler d’elle en démissionnant de la Rabita des oulémas, instance religieuse rigoriste placée sous la souveraineté du roi. Un choix fort, lié au combat que mène Lmrabet en faveur de l’égalité dans l’héritage. Elle poursuit son «émancipation» en 2019, en annonçant qu’elle ne porterait désormais plus le voile. Sur sa page facebook, elle justifie son choix : «Se libérer, ce n’est pas se libérer sur le plan vestimentaire ou son aspect extérieur… Se libérer c’est être libre de toute aliénation, de toutes les idéologies hégémoniques… et en tant que croyante ma seule aliénation, c’est mon amour pour le Créateur de ces Mondes qui nous a créés libres et dignes». Aujourd’hui établie en Afrique du Sud, où son époux Youssef El Amrani est ambassadeur chérifien, l’essayiste a pris des distances avec le Maroc et les polémiques à son sujet.
Mohamed Jamal Belkziz : Bien malgré lui
Il est l’un des personnages centraux de l’incroyable affaire Hajar Raïssouni, qui a secoué le Maroc en septembre dernier. Mohamed Jamal Belkziz est le gynécologue de la journaliste du quotidien «Akhbar El Youm», arrêtée pour «avortement illégal» et «relations sexuelles hors mariage». Si, au départ, toute l’attention médiatique s’est portée naturellement sur la journaliste, les projecteurs se sont ensuite braqués sur son médecin arrêté également dans le cadre de cette affaire. Le gynécologue obstétricien, qui a été condamné à 2 ans de prison ferme, et à 2 ans d’interdiction d’exercice de ses fonctions, est devenu, bien malgré lui, le symbole du débat sur l’avortement au Maroc. Si quelques associations de médecins se sont solidarisées clairement avec lui, ce n’est pas le cas du Conseil de l’Ordre des Médecins de Rabat, instance dans laquelle Belkeziz a siégé durant six ans. Après avoir bénéficié de la grâce royale en octobre, le médecin a fustigé l’attitude de certains de ses collègues : «C’est honteux». Il a ajouté dans ses déclarations à la presse : «Ma dignité en a pâti. À un moment, j’avais déposé les armes».