Les êtres politiques sont les vecteurs de la pensée. Ils ne la produisent pas, mais ils la divulguent et lui donnent corps. Tant que les idées sont véhiculées par des politiques, pourquoi s’en plaindre. Mais arrive que le schéma soit cassé, c’est-à-dire quand des politiques se hasardent à faire de l’esprit, ou mettent en «vente» des produits avariés et partant nocifs. Des idées éculées. Des constructions vaseuses et hasardeuses, ou faire dans le mélange de genre, entre pensée et croyance, et amalgame de registres. Je donne comme exemple une politique de la gauche qui est censée s’identifier à un courant de pensée universel qui met en avant la raison, la liberté, et une approche positiviste à appréhender le monde, avec une grammaire commune faite de référents communs de portée universels. Et voilà qu’elle appelle au Jihad et demande aux présupposés de culte de libérer les mosquées pour proclamer la guerre sainte. Et de rappeler que le Maroc est une nation de Moudjahidines qui, tenez-vous bien, ont conquis l’Espagne.
Le mot conquête ne rend pas la portée du mot «ghazw», utilisé par la vaillante députée qui a donné d’ailleurs à la langue française «rezzou». Cherchez dans le dictionnaire le mot rezzou, pour être en phase avec la «pansée» de la vaillante députée. Je n’aurai pas été surpris, si l’auteur de tels propos était salafiste ou islamiste. Cela cadre avec son registre. Mais qu’une personne de gauche appelle au jihad et parle de conquête territoriale, voilà qui déroute. Je pensais qu’être moderne, ce n’est pas seulement par son accoutrement, mais en mettant en avant les idéaux de la liberté de pensée et son affranchissement de toute entrave politique, religieuse, ou sociale comme dirait Kant, pour que jaillissent les Lumières. Et j’aime croire que la conquête qui vaille de nos jours, c’est celle de l’intelligence. Chimères. Dernière le vernis de la modernité, chez certaines de nos élites «émancipées», se tapissent les réflexes du Moyen-âge.
On n’arrête pas le progrès. L’islam serait laïc pour le préposé au culte. Et pourquoi pas la laïcité ne serait-elle pas islamique, voire halal ? Et le sécularisme, recommandable (mandoub). Un Jean Jaurès, wali saleh (un saint), et Ibn Taymiyya social démocrate. Tant qu’on est dans ce jeu éclectique : Proudhon, un salafiste «madkhali».
Continuons les lubies. Le nouveau ministre de l’éducation qui fait sienne l’adage, avec paraphrase : éducation bien ordonnée commence par soi. Il choisit l’enceinte du Parlement pour apprendre à épeler et promet de répondre par écrit aux questions orales.
Tiens. J’ai oublié la meilleure. Un marchand de journaux exonère Netanyahu de ses crimes. Les milliers de morts, et d’enfants et de femmes palestiniens, n’ont pas remué un cheveu chez l’illustre «philanthrope». On aime bien, ailleurs, à le présenter comme une conne-science. On l’aurait même gavé.
Ô politiques et négociants, vous qui êtes dans des sinécures et des pantomimes, restez-y et laissez-nous les idées, pour paraphraser Brassens… De grâce, ne faites pas de l’esprit. Vous n’en avez aucun, comme dirait Cyrano de Bergerac dans sa tirade du nez.
Le propre de la pensée est de ne pas mélanger les genres et avoir le sens de la nuance. Le maître mot de la pensée est être au service de la vérité, du juste, ayant comme outil la raison et la conscience. Des vœux pieux, hélas. Pour une semaine ou deux on a été bien servis, par des «comiques» de l’état, des «re-présents» du peuple et des faiseurs d’opinion, pardon, de pognon.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane