Le monde vit un grand retour de l’intervention des foules dans le savoir. Nous l’avons vu au Maroc, la foule intervient pour juger la création artistique, la vérité historique et la chose religieuse. Fin 2022, une jeune enseignante américaine, Erika López Prater, professeure adjointe de l’université Hamline de Saint Paul (Minnesota), a été licenciée après avoir montré à sa classe des peintures médiévales représentant le prophète de l’Islam. Avant de montrer les images lors d’un cours en ligne, l’enseignante avait pourtant émis un avertissement de deux minutes. Elle voulait permettre aux étudiants, qui considéraient que les images étaient offensantes à l’encontre de leur foi, de ne pas assister au cours. Les étudiants ont, parait-il, assisté au cours sans montrer le moindre signe de protestation. Mais, quelques jours après, une étudiante présidente de l’Association des étudiants musulmans, s’en est plainte au professeur. L’étudiante a porté l’affaire devant les administrateurs de l’université, arguant que le cours avait été irrespectueux pour ses condisciples musulmans. Les responsables de l’université ont alors indiqué à Erika López Prater que ses services n’étaient plus nécessaires au prochain semestre.
L’image, sujet du litige, était une illustration de l’archange Gabriel délivrant la révélation du Coran au prophète de l’islam. Elle est tirée d’un manuscrit du XIVème siècle, le Compendium des Chroniques, une histoire universelle du persan Rashid al-Din. Des images de ce genre existent dans plusieurs musées aussi bien en Occident que dans certains pays musulmans.
La bévue de l’université, qui croyait soutenir les étudiants, ne faisait en fait que consolider un esprit fermé dont sont taxés les musulmans. C’est ce qui a fait réagir le Conseil des Relations Américano-Islamiques, selon le journal américain «The daily heal». L’organisme, qui défend les droits civiques des musulmans aux Etats-Unis, appelle l’Université à reconsidérer sa décision à l’encontre de l’enseignante. Il dit ne trouver aucune offense dans l’image projetée par la professeure. Le Conseil précise que ce qui est différent de l’Islam n’est nécessairement pas contre l’Islam, et qu’il faut bien faire la différence entre la foi et la recherche de la vérité académique. La position du Conseil en question met en cause l’excès de zèle de l’Université, qui a privilégié le respect de ses étudiants musulmans sur la recherche de la vérité académique. Les membres du Conseil des Relations Américano-Islamiques appellent à la protection de la liberté académique.
Cet incident et ses développements attirent l’attention sur le danger qui guette la liberté de création et de pensée, surtout dans les pays musulmans qui ménagent les foules pour des raisons surtout politiques. Nous avons vécu au Maroc des situations similaires où les autorités publiques, au lieu de défendre et protéger la vérité académique, se sont rangées du côté de la foule.
Par Moulim El Aroussi