Elle restera pour toujours l’une des deux premières femmes à siéger au Parlement marocain. Latifa Bennani-Smires incarne encore aujourd’hui la figure féminine de l’Istiqlal. Un engagement politique précoce, un parcours devenu champ de bataille et nostalgie d’une époque où la politique était noble…
Vos activités semblent moins visibles ces derniers temps. Êtes-vous toujours une femme politique et comment occupez-vous votre temps ?
Je suis en effet moins active sur le champ politique, un domaine dont j’ai fait l’essentiel de ma carrière et même de ma vie. Ma situation d’aujourd’hui est aussi liée à celle du parti de l’Istiqlal qui est dans une phase de transition que je compare à une salle d’attente. Mon recul s’explique par la conception que j’ai de la politique, des valeurs et des principes qui motivent son exercice. En clair, l’éducation politique que j’ai reçue lorsque je n’étais encore qu’une adolescente semble avoir disparu aujourd’hui. Dans le domaine de la culture politique, la différence entre ma génération et la nouvelle est très importante. À mon époque, qui est celle de la post-indépendance, toute la société marocaine était sensible à la chose politique. Il était normal d’adopter une idéologie et même d’intégrer un parti dès le plus jeune âge. Pour ma part, je n’avais pas plus de 15 ans lorsque je me suis encartée au parti de l’Istiqlal. Contrairement à maintenant, les partis investissaient beaucoup dans l’encadrement des jeunes à travers des structures qui leur sont dédiées. L’Istiqlal accompagnait les enfants dès leur plus jeune âge. Aujourd’hui, le jeu politique est fait d’avantage de lutte pour le pouvoir, de quête de notoriété et de portefeuilles. Ses nouveaux acteurs ne connaissent pas vraiment l’histoire du parti. La motivation idéologique est, hélas, de moins en moins une réalité. Pour revenir à votre question, non, je ne suis pas en retraite. À la maison, nous nous réveillons, nous mangeons et nous discutons politique tout au long de la journée. Dans mon esprit, je suis toujours une femme politique. Allal El Fassi disait aux personnes qui lui conseillaient de prendre du repos, alors qu’il était déjà malade : « Je ne mourrais que lorsque je serais mort ». Ceci dit, mon engagement moindre me permet également d’accomplir d’autres activités, y compris pour le compte de l’Istiqlal…
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’article dans Zamane N°104 (Juillet 2019)