Les historiens qui se sont intéressés aux réactions marocaines au soulèvement de 1789, qui avait mis fin à la monarchie française, ont été déçus car on ne trouve presque rien quand on examine les écrits marocains de l’époque. Comment expliquer ce silence, ou plutôt ce désintéressement de la part de l’élite politique et intellectuelle du pays ?
Àl’époque, le Maroc vivait lui aussi ses propres «révolutions» et une fin de règne embrouillée, ce qui focalisait l’attention sur la situation interne aux dépens des convulsions qui secouaient le monde chrétien. Mais ceci n’explique pas tout. Quand les insurgés français prenaient d’assaut la Bastille, symbole de l’ancien régime et de son despotisme, le 14 juillet 1789, le royaume retenait en effet son souffle et regardait du côté de Jabal al-‘Alam ou s’était réfugié Moulay Yazid, de facto prince héritier mais opposant farouche à son père. Yazid jouissait d’une grande popularité, surtout auprès des forces conservatrices telles les zaouias et les chorfas, et avait réussi à gagner la sympathie des tribus du Moyen Atlas qui lui ont fourni les combattants dont il avait besoin. On a souvent qualifié al-Yazid de «l’enfant terrible» qui voulait défaire tout ce que son père avait patiemment construit pendant une trentaine d’années. En fait, ce prince rebelle ne représentait que le visage caché d’un Maroc conservateur obstinément réfractaire à l’orientation moderniste et atlantique de Sidi Mohamed Ben Abdallah. Mais ce sultan avait trop misé sur les bénéfices qu’il pouvait tirer d’une alliance avec les pays chrétienset du commerce qu’ils lui proposaient. Sidi Mohamed avait certainement réussi à diversifier ses ressources économiques en encourageant le commerce maritime, et par conséquent avait pu réduire sa dépendance vis-à-vis d’un monde rural, politiquement incertain et militairement difficile à subjuguer.
Par Mohamed El Mansour
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