Depuis le XVème siècle, les côtes marocaines jouissent d’une terrible réputation auprès des marins du monde. La traversée par le détroit de Gibraltar est particulièrement périlleuse. Les hautes falaises balayées par les vagues se conjuguent à des courants violents. La zone est appelée «le cimetière des bateaux» tant les victimes jonchent le fond marin. Le sultan Mohammed ben Abderrahmane (1859-1873), mis sous pression par l’intense activité du nord de son territoire, décide de prendre à sa charge la construction d’un phare réclamé par les Européens. Pour ce faire, il fait appel à l’ingénieur français Léonce François Reynaud, directeur de l’Ecole des Ponts et Chaussés et grand spécialiste des phares. Le sultan propriétaire légal du terrain et du bâtiment, ne souhaite pas pour autant prendre la responsabilité de sa gestion et de son entretien. Une brèche dans laquelle s’engouffrent les Etats ayant un intérêt dans la «question marocaine». Un an après la mise en fonction de l’édifice, la France, la Belgique, le Portugal, l’Espagne, l’Autriche, la Norvège, la Suède, l’Italie, la Grande Bretagne, la Hollande et les Etats-Unis tombent d’accord entre eux et avec le Maroc pour mutualiser la gestion du phare. Une Commission Internationale du phare du cap Spartel est instituée. Elle figure parmi les premières dans l’Histoire à rassembler autant de signatures étatiques. Au vu des tensions et du risque de guerre entre Européens, l’accord du 31 mai 1865 prévoit la neutralité des intentions autour du phare du Cap Spartel. Ainsi, l’éclatement du conflit de la Première Guerre Mondiale n’affecte pas la gestion et l’entretien du bâtiment. Il faut attendre l’année 1942 pour voir l’Espagne s’arroger la mainmise sur l’édifice. Toutefois, la Commission Internationale du phare reprend ses droits à la fin de la Seconde Guerre. D’un point de vue technique, le phare ne cesse d’améliorer son efficacité à éclairer les eaux du détroit. A son inauguration en 1864, le phare n’est éclairé qu’à l’aide d’une lampe à pétrole. Des conditions qui limitent mais ne font pas disparaître tous les risques de navigation. Au fur et à mesure, le phare se met aux normes et adopte définitivement le régime électrique. En 1960, la zone de Tanger est désormais intégralement réintégrée au Maroc indépendant, la Commission Internationale du phare du cap Spartel laissant un héritage qui symbolise, plus que tout autre, la mondialisation de la question marocaine.
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