Sur une semaine, j’ai eu l’occasion d’assister à deux rencontres qui gravitent autour du Sahara, une à Laâyoune et Smara, et l’autre à l’initiative de la ligue des associations régionales à Rabat. La première avait pour thème « le soutien par des Maghrébins à l’autonomie dans le Sahara », et la deuxième sur « l’action que pourrait déployer la société civile afin d’accompagner la diplomatie du pays ».
Ce qu’il faudra retenir de la broussaille des interventions, des discours, des «analyses», cette évidence qui paraissait comme moins évidente : la question du Sahara n’est pas la cause du différend maroco-algérien, mais son expression. Le reste est de la littérature. On aura au moins, depuis la décision de la rupture des relations diplomatiques par l’Algérie, l’avantage de la clarté. On n’a plus, désormais, à se cacher derrière des faux-fuyants. L’acte fondateur du récit algérien, comme cela a été énoncé par le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, est que le Maroc avait attaqué l’Algérie en 1963 qui venait tout juste de sortir d’une guerre meurtrière. La vérité est autre, n’en déplaise au charmant chef de la diplomatie algérienne. Ce sont des éléments de l’armée algérienne qui avaient égorgé des forces auxiliaires dans des postes marocains, mis à la disposition des maquisards pendant la guerre de libération algérienne.
Le Maroc, par voie diplomatique, avait demandé des explications, et il n’en reçut pas. La suite est fâcheuse, mais on veut en faire un drame. Hassan II avait refusé d’intenter à l’intégrité territoriale de l’Algérie, telle que contenue dans les accords d’Evian, contre la volonté des éléments de l’armée. Il avait donné l’ordre à son aide de camp de l’époque, Mohamed Medbouh, de se mettre au garde-à-vous, pour lui signifier que la politique c’était lui et non l’armée. L’historien Laroui, encore vivant, peut en témoigner. Il en parle, en sibylline, dans son livre sur Hassan II. Le «coup de poignard» n’a pas empêché la normalisation, n’eut été la grimpée des prix du pétrole, en 1973. Boumediene n’avait pas hésité, quand les prix étaient à quatre dollars le baril, à solliciter l’intercession de Hassan II auprès de la France, après la nationalisation du pétrole, pour parer un coup à la Mossadeq. Lisez Hocine Malti (ingénieur de la Sonatrach) dans son livre «Histoire secrète du pétrole algérien». Je n’invente rien.
Les politiques peuvent dire ce qu’ils veulent, ils sont rattrapés par les faits. La victime en 1963 était le Maroc et non l’Algérie, et la frontière, comme l’avait dit Ben Bella, n’était pas terrestre mais idéologique.
Ahmed Ouneisse, ancien ministre des Affaires étrangères de la Tunisie, a rapporté ce que l’ancien Premier ministre tunisien, Ahmed Ben Saleh, lui avait confié au moment où il venait d’échapper aux geôles de Bourguiba, qu’il fut reçu, fin février 1973 (gardez à l’esprit la date), par Boumediene et que, après les salamalecs protocolaires et la cérémonie légendaire du burnous, ce dernier invite son protégé à faire les cent pas dans le jardin, et lui lance tout de go, ce que Ben Saleh avait confié à Ounessi : Tant que ces gens sont sur le trône -en montrant par son index la direction de l’Ouest- on ne sera jamais tranquilles.
Or, à la même date, des insurgés venaient de s’infiltrer du territoire algérien via Figuig, vers Ksar es-Souk, (Errachidia), et je garde personnellement des événements un souvenir vif d’enfant. Il n’y avait alors ni Polisario, ni «peuple sahraoui» et tout le toutim. Boumediene attendait le déroulé de l’opération pour, enfin, mettre sur place «le Maghreb des Peuples».
«Doumage pour lui», comme dirait Fqih Basri. Le coup avait raté. On passe à autre chose. Pourquoi ne pas créer «un foyer révolutionnaire» dans le Sahara. Fqih Basri, encore lui, était de «bon conseil».
Le vaillant Goethe disait dans son « Faust » que celui qui a une langue et veut avoir raison l’a toujours. Mais se donner raison, n’est pas la raison, et être raisonneur n’est pas être raisonnable.
Le stalemate dans le Sahara, comme disent les Américains, n’est plus possible. Soit un règlement définitif de la question, ce qui mettra le Maghreb sur les rails, soit l’aventure. Dans le cas d’espèce, les Marocains défendront la marocanité du Maroc qui passe par le Sahara. Qu’on ne s’y méprenne pas.
Par Hassan Aourid
Conseiller scientifique de Zamane