En 1954, un ancien espion et un gangster britanniques sont mystérieusement mandatés par des nationalistes arabes pour kidnapper le sultan Ben Youssef, alors en exil à Madagascar. Objectif : le rapatrier en Egypte et lui donner les commandes de la lutte contre la colonisation. Retour sur une affaire invraisemblable.
C’est une histoire rocambolesque, où la frontière entre film d’espionnage type James Bond et vaudeville façon Louis de Funès et Bourvil est franchement ténue. Et la frontière entre vérité et élucubrations aussi. En juillet 1954, deux britanniques sont mandatés pour une mission assez spéciale, voire périlleuse : kidnapper le sultan déchu, alors installé à Madagascar, et le ramener en «territoire arabe», plus précisément au Caire, épicentre de la lutte nationaliste. L’affaire fait les choux gras de la presse britannique dès le mois d’août 1954. La source de ces révélations n’est autre que l’un des deux «missionnés», un certain Eddie Chapman. Un Britannique haut en couleurs et au parcours trouble, passé du statut de cambrioleur à celui d’agent double pour le compte de sa patrie et du MI5 pendant la Seconde guerre mondiale. Une sorte d’antihéros, mi-barbouze mi-mercenaire, gouailleur et prompt à «se faire mousser», le tout avec une allure et un parler de truand. Le 22 août 1954 donc, dans les colonnes de «The Truth» (La vérité), un journal australien (qui deviendra plus tard le «Sunday Mirror»), Chapman raconte comment il a rallié Tanger pour se lancer dans un business de contrebande avant d’être sollicité pour kidnapper le sultan exilé.
À bord du Flamingo
Quelque temps auparavant, Eddie Chapman s’était « associé » avec Billy Hill, « roi de la pègre londonienne », selon un article du «Monde» daté de 1954, pour sévir dans la contrebande, sans doute d’armes et de cigarettes, à bord d’un yacht, le Flamingo. Les deux acolytes, désirant mettre la main sur le marché méditerranéen (en faisant leurs petites affaires et en écoulant leurs marchandises dans les ports du pourtour méditerranéen), décident de s’arrimer dans le port de Tanger, alors zone internationale et nid de trafics en tout genre. Les jours passent, les affaires tournent, puis un jour pas comme les autres, le lendemain de la visite de la Reine d’Angleterre Elisabeth II à Tanger précisément, une bagarre éclate entre un membre de l’équipage du Flamingo, George Walker, et un résident espagnol.
Par Nina Kozlowski
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