Le 23 octobre 1086, le pouvoir Almoravide étale aux yeux du monde sa capacité à écraser les armées chrétiennes. Devenu mythique, la bataille de Zellaqa est le symbole de l’autorité du Maroc sur Al Andalus. Le sultan Youssef Ibn Tachfine en devient le héros…
A la fin de l’été 1086, les troupes almoravides débarquent à Algesiras par vagues successives. A leur tête, Youssef Ibn Tachfine. Les semaines qui suivent sont marquées par une stratégie de mouvements entre les protagonistes. C’est Alphonse VI, roi de Leon et de Castille à la tête de la coalition chrétienne, qui souhaite prendre l’initiative en premier. Habitué des affrontements avec les Taïfas, le monarque chrétien commet sa première erreur. Il considère en effet que l’action militaire des Almoravides est comparable à celles de ses rivaux ibériques musulmans. Or, l’armée de Ibn Tachfine repose sur une cavalerie bien plus efficace grâce aux montures bardes. Ses hommes sont rugueux, habitués à la guerre et aux longs déplacements. D’emblée, le roi de Castille sous-estime donc les Almoravides. Il poursuit ses provocations dans un message adressé à Ibn Abbad : «Votre allié Youssef a pris la peine de venir de son pays affronter la mer, j’ai l’intention de lui éviter une nouvelle peine pour le trajet qu’il lui reste à faire[…] Je vais donc venir vers vous et vous rencontrer sur votre propre territoire, par bonté pour vous et pour vous ménager».
Le chef almoravide, averti par Ibn Abbad, fait également passer un message sous forme d’un verset coranique : «Retournez chez ces gens ; nous allons marcher contre eux avec des armées ; ils n’y résisteront pas ; nous les chasserons de leur pays ; ils seront alors misérables et humiliés». A l’approche du jour fatidique, les deux chefs ont effectivement intérêt à guerroyer hors de leurs bases. Ainsi, une éventuelle défaite ne serait pas suivie d’un pillage de l’ennemi. Les armées rivales marchent donc en direction des camps adverses. Youssef Ibn Tachfine, parti de Badajoz, attend son ennemi sur la route de Coria, ville bastion des chrétiens depuis sa conquête en 1076. C’est sur les plaines de Zellaqa que se déroule la bataille. Mais avant, une ultime félonie d’Alphonse VI est tentée pour piéger l’almoravide la veille de l’affrontement. Sur proposition du roi chrétien, la bataille est fixée pour le lundi, puisque selon lui, «c’est demain vendredi, votre jour de fête, le dimanche ensuite est notre jour de fête, plaçons donc dans l’intervalle». Méfiant, Ibn Tachfine envois ses éclaireurs qui lui confirment que les chrétiens sont en mouvement à l’aube du vendredi. La suite est un énorme massacre des troupes d’Alphonse VI, pris à revers par les musulmans. En 1910, l’autopsie réalisée sur le corps de ce dernier confirme la blessure au genou gauche contractée à Zellaqa par le souverain chrétien et narrée dans les chroniques de l’époque. Une bataille décisive qui, pourtant, n’empêche pas le fatal déclin d’Al Andalus.