Depuis les premiers auteurs grecs, la terre d’Afrique est appelée Libye et les populations qui vivent sur son sol sont réunies sous l’appellation de peuples libyques. Un terme qui masque la richesse et la diversité des peuplements antiques.
Maures, Numides, Atalantes, Garamantes, Musulames, Gétules… C’est ainsi que les sources antiques désignent les peuples les plus connus des pays du Couchant. Ces noms sont certainement des interprétations conformes à l’euphonie des langues grecques et romaines des Anciens qui les ont en premier énoncés. En revanche, les noms que s’attribuent les peuples diffèrent souvent de ceux que les auteurs utilisent, car la méconnaissance des langues libyques trouble les auteurs antiques, au point que Pline l’Ancien avoue : « Les noms de ces peuples et de ces villes sont extrêmement difficiles à prononcer, sauf dans leurs langues » (in Histoire naturelle). Cantonner la langue et la culture de l’autre en territoire barbare trahit le sentiment de supériorité culturelle de celui qui s’exprime. Si les textes antiques sont peu explicites sur la nature des langues libyques, quelques inscriptions, parfois bilingues, permettent d’affirmer que le libyque est une forme ancienne de l’amazigh. Ce qui soulève cependant de nombreuses interrogations. Y avait-il d’autres langues ? Des variations dialectales étaient-elles déjà de mise ? Les différents noms de peuples distinguent-ils des entités linguistiques ou simplement tribales ?
Dénommer les populations, c’est organiser l’espace géographique sur lequel elles vivent. Ainsi Salluste localise-t-il les peuples d’Afrique du Nord en les plaçant les uns par rapport aux autres : « Les territoires jusqu’à la Maurétanie appartiennent aux Numides ; les peuples les plus rapprochés de l’Espagne sont les Maures. En arrière de la Numidie sont, dit-on, les Gétules, les uns vivant dans des cabanes, les autres, plus barbares encore, allant à l’aventure. Derrière sont les Éthiopiens, et plus loin enfin, les pays brûlés par le soleil » (in Guerre de Jugurtha).
Par Jean-Luc Pierre
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