Dès qu’on l’oublie, l’école revient à l’actualité. L’école est le mal chronique de la politique et de la société au Maroc. Les cadres marocains qui s’expatrient disent qu’ils le font pour l’école de leurs enfants au premier plan et pour la santé de la famille. Deux secteurs qui souffrent de disfonctionnement dans notre pays.
Mais si la santé ne demande que des médecins, des hôpitaux, et du matériel, l’école non. Il s’agit, non pas de rétablir la santé de l’humain, mais de sa construction. Si pour la santé on peut copier des modèles, se doter de machines ou d’experts étrangers, pour l’école il faut mettre en place un système où s’enchevêtrent les valeurs culturelles et historiques, les approches pédagogiques et psychologiques spécifiques, ainsi qu’une vision du monde dans laquelle embarquer la population qui afflue vers l’école et dont le nombre augmente chaque année.
Que voulons-nous de l’école ? À cette question il me semble que l’État marocain et la société à sa suite avaient déjà répondu : le travail ! L’État comme les parents se sont implicitement mis d’accord pour reconnaître deux catégories d’élèves : ceux qui sont habilités à s’engager dans la concurrence pour le travail et ceux qui sont condamnés à ne rien faire.
Cela commence bien avant les études qui mènent à des formations susceptibles de permettre de se trouver un travail. Il s’agit du terrible moment de l’orientation. On a mis dans la tête de la société marocaine que pour pouvoir prétendre à un quelconque travail dans l’avenir il faut d’abord sortir de la cohorte des cancres ceux qui ne valent rien.
Pour échapper à cette catégorie, il faut s’orienter vers les sections scientifiques. On tamise alors à la fin du collège toute la population des élèves marocains pour décider de leur sort. Ceux qui ne méritent pas d’aller en sciences savent qu’ils n’iront pas loin. Il s’agit de ceux des sections littéraires et qui vont s’orienter par la suite vers les facultés des lettres. Ils savant très bien que chaque année à la rentrée universitaire un ministre viendra leur rappeler qu’ils coûtent beaucoup trop cher à l’État et surtout pour des études qui ne mènent qu’au chômage. Le point de vue de l’État semble dire que les Humanités (les études) ne mènent à rien.
Ceci est un projet de société que propose l’État marocain à travers l’école. Ce qui veut dire que l’école marocaine forme, entre autres, des vauriens, des individus qui absorbent un énorme budget et qui deviennent par la suite une grosse charge sur la politique du pays. Le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, qui vient d’être présidé par un ancien ministre de l’Éducation Nationale va-t-il remédier à cela ? Il a commencé par renouveler sa composition. Les personnes pressenties en tant qu’experts sont toutes d’une qualité indiscutable. Ceux qui les ont précédés n’étaient pas moins compétents. Mais pourquoi on change un Président et on nomme un autre alors que le nouveau venu avait déjà la charge de l’éducation nationale ? Le 7 novembre 2002, il est nommé ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Driss Jettou, Lors du remaniement ministériel du 8 juin 2004, il devient ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique, ce qui veut dire qu’il était le patron absolu de l’école marocaine.
Une question : les idées qu’il va mettre à l’œuvre aujourd’hui, ne les avait-il pas en 2002 ? Qu’a-t-il appris de si important depuis pour qu’on le reconduise à la tête d’une institution qui dit-on va proposer une nouvelle vision éducative ?
On ne remet aucunement la qualité de Habib El Malki en cause, mais c’est bien la vision déjà mise en place avant l’arrivée du nouveau président. Le ministre de l’Éducation avait déjà présenté devant le Parlement une feuille de route 2022-2026 sur l’école marocaine, que fera le nouveau président avec ses équipes ? Se lancer dans l’exégèse des textes déjà produits à ce sujet ?
Par Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane