Ahmed Benkirane, grand commis d’Etat, revient dans un livre essentiel («Un entrepreneur du national au Maroc», par Irene Bono, éditions Karthala) sur ce Maroc de l’après-indépendance qui a tant soulevé d’espoirs. Et de déceptions. Des mémoires discrètes et émouvantes, à l’image de ce grandnationaliste, qui a tout connu ou presque.
L’élaboration et la livraison de cette formule de «mémoires», insérées dans un ouvrage interprétant simultanément la transformation socio politique en cours d’un pays, est une opération qui est loin d’être aisée et peut rebuter beaucoup de candidats également désireux de laisser quelques empreintes de leur parcours. En tout cas, c’est le délicat exercice auquel s’est prêté, avec sa discrétion coutumière, Ahmed Benkirane, un authentique nationaliste des heures difficiles, un ancien grand commis d’un État nouvellement indépendant, puis homme d’affaires ainsi qu’ancien patron de presse, au cours d’une période particulièrement pleine de tumulte.Cela nous renvoie à cette intéressante distinction, faite il y a quelques années par un grand philosophe français disparu, Paul Ricoeur (La mémoire, l’histoire, l’oubli), «entre le temps de l’écriture appartenant au temps d’une vie singulière et le temps de la publication qui ouvre le temps de l’œuvre dans une durabilité où les pensées et écrits seront reçus par d’autres vivants qui ont leur temps propre». Plus encore, s’agissant d’un intéressant ouvrage, écrit et revu plusieurs fois, tant la tâche était laborieuse et dont la préparation se serait étalée sur près d’une dizaine d’années. Au total, le produit final obtenu, dirons-nous, constitue un excellent document-inventaire d’une riche traversée d’un siècle, et il serait pour le moins présomptueux de le présenter, de le décrypter et encore moins de le résumer ou de le commenter en quelques lignes.
Par Mohamed Germouni
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