Comment réagissez-vous à la victoire du PJD aux législatives marocaines ?
Le succès du PJD aux élections législatives n’est pas vraiment une surprise. Depuis 2000 et son entrée dans l’opposition, le PJD bénéficie d’une image de probité morale qui tient à son discours moralisateur, à une éthique de travail, mais aussi au fait qu’il constitue un parti politique essentiellement jeune par la majorité de ses membres. Sur les thématiques qu’il défend depuis le début, le PJD ne se différencie pas beaucoup des revendications du Mouvement du 20 février, même si le PJD a appelé ses partisans à ne pas rejoindre ce mouvement. Le langage de la rue et celui des urnes se sont rejoints dans une volonté de moraliser la vie publique. Les Marocains veulent des modalités de participation citoyenne en rupture avec les modes traditionnels de faire la politique.
A l’inverse, comment analysez-vous l’échec des autres formations?
A l’instar de ce que nous avons vécu en Tunisie, la sanction a surtout frappé les pôles regroupant les partis «modernistes», qui se sont rassemblés pour faire barrage aux islamistes, comme le G8 au Maroc. Ces regroupements de partis n’avaient pas réellement d’offre politique à faire. Ils ont œuvré à démontrer l’incompatibilité entre une démocratie née du «printemps arabe» et le conservatisme des partis islamistes. Mais les électeurs n’ont pas été sensibles à cette «diabolisation» des islamistes et y ont peut-être vu un reliquat des méthodes anciennes, lorsque les régimes autoritaires se sont posés en «rempart contre l’islamisme». Les électeurs ont porté leurs voix vers les partis qui leur semblaient incarner le mieux la contestation contre le régime. Pour n’avoir jamais participé aux gouvernements de leur pays respectif et marginalisé, le PJD et Ennahda ont été perçus dans leur distance et leur opposition au pouvoir.
Le Maghreb doit-il craindre l’accès des partis islamistes au pouvoir?
La crainte que peuvent avoir certains de voir les islamistes arriver au pouvoir est à la mesure du rejet qu’ils ont pu avoir à l’égard de ces formations. Leur mise à l’écart a été longtemps l’œuvre des classes dirigeantes qui se sont prévalues d’endiguer ce «mal».
Aujourd’hui, le contexte est différent. D’une part, le discours des islamistes des années 1970 et 1980 n’est plus le même. Ceux qu’on qualifie de «modérés» entendent jouer un rôle dans la prise de décision politique et être des acteurs à part entière. Ils sont arrivés au gouvernement à la faveur de la démocratie ou tout au moins au nom de celle-ci. D’autre part, les islamistes sont appelés à gouverner dans le cadre de coalitions, avec des partis qui ne partagent pas toujours leurs convictions. Au Maroc, le roi conserve un grand nombre de ses prérogatives et reste la première autorité religieuse du pays. Mais si l’exécutif, en l’occurrence le PJD, ne parvient pas à répondre aux attentes de la société, c’est lui qui sera en première ligne pour rendre des comptes au parlement.
Par la rédaction