Rares sont ceux qui témoignent d’une époque aujourd’hui confinée dans les livres d’Histoire. Mohamed Mjid est de ceux-là. Ce n’est pas par son âge que ce personnage familier à tous les Marocains est devenu précieux. En première loge, il raconte à Zamane son histoire du Maroc, commencée sous l’ère de Lyautey… Passage en revue du XXème siècle, vu par Monsieur Mjid.
Je suis issu d’un milieu traditionnel, mais très lié à la vie du citoyen que l’on a appelé à l’époque : l’indigène. Enfant déjà, je me sentais impliqué dans un combat sans pour autant être capable d’en analyser les enjeux. Je ne faisais finalement que suivre les sentiments de mon père et de ses amis. A l’époque, un homme très influent de Safi, El Haj Mohamed Ba Amrani, nous inspirait tous. Je me souviens de sa capacité à mettre des mots sur le sentiment qui nous animait en le qualifiant de « watania » (nationalisme, ndlr). Je vous rappelle que cela se passe au tout début des années 1930, et que la notion même de nationalisme est balbutiante. A l’âge de 14 ans, j’ai organisé une manifestation d’élèves au cœur de Safi. Nos slogans se résumaient à soutenir les grands leaders nationalistes par des « Vive El Fassi ! », « Vive Hassan El Ouazani ! ». La police m’a arrêté dès le lendemain et m’a emmené au commissariat où je suis resté quelques temps. C’est à partir de là que je suis devenu plus virulent. La prison m’a indéniablement radicalisé. Désormais, mon objectif était clair : la route vers l’indépendance. Je repasse donc inévitablement par la case prison.
Malgré tout, j’ai pu, à ma seconde libération, obtenir mon certificat d’études primaires. En quittant Safi pour le collège Moulay Youssef de Rabat, j’étais déjà réputé comme étant un bon sportif et un militant remuant. A mon arrivée à l’internat, une grève de la faim a été organisée en signe de protestation contre le Dahir berbère. Nous avons, mes camarades et moi, continué nos agitations militantes.
Par Sami Lakmahri
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