Depuis plusieurs jours, le débat sur l’enseignement au Maroc agite la scène politique entre partisans de l’enseignement dans des langues « étrangères » et d’autres qui s’attachent à la langue dite officielle selon la Constitution ; l’arabe à l’exclusion de l’amazighe. Mais ni les uns ni les autres ne présentent leur point de vue appuyé par des arguments valables. Si les défenseurs de l’enseignement dans des langues étrangères s’accordent à dire qu’il faut s’ouvrir sur les autres cultures, sur les sciences…leur détracteurs, et qui ne semblent plus avoir le suffrage nécessaire pour continuer à prêcher un tel point de vue, défendent l’IDENTITE marocaine. Or, même ceux qui défendent les langues étrangères ne s’écartent pas beaucoup de cette thèse de l’identité marocaine, car ils n’évoquent les langues étrangères que comme outil et non pas comme culture et manière d’être.
Aussi, sommes-nous en mesure de nous interroger sur l’arabe lui-même en tant qu’identité. Qu’est ce qui permet de dire que l’arabe est une identité fondamentale du Marocain ? Nous sommes en train de préparer nos enfants pour un futur porche, totalement différent du nôtre, comment donc pouvons-nous leur assigner notre identité ?
L’identité sur le plan philosophique est, selon le principe de l’identité lui-même : A=A. On pourrait donc multiplier les exemples pour l’expliquer ou l’illustrer. Il est le principe figé qui ne souffre d’aucune contradiction, il est même l’opposé de la contradiction. Il est aussi défini comme un principe de conformité. Ceci est conforme à… c’est à dire que les informations fournies sont conformes et indiquent que telle personne est bien elle-même et non pas quelqu’un d’autre. La chose est donc identique à elle-même selon un certain nombre de caractéristiques.
Or, si l’enseignement est bien l’entreprise qui prépare un individu afin de l’intégrer dans la société de demain en tant qu’agent, comment pourrait-il (l’enseignement) composer avec ce principe? Si l’enseignement est éducation, dans le sens du latin ex-ducere, guider, conduire hors…de la barbarie non encore formée en le faisant passer par un tunnel dans lequel on met l’enfant ou l’adolescent afin de le polir ; Tahzib en arabe et tachzib, selon quel modèle devrions-nous préparer nos enfants à cet avenir. Selon quel modèle de société ? Celle de demain ou celle qui existe déjà ? Mais laquelle qui existe déjà ? Quel modèle avons-nous prévu, en conformité avec quoi allons-nous préparer et intégrer les enfants dans la société de demain ? Le modèle du Marocain fut mis en place depuis 1965 selon ce même principe de l’identité, la reproduction du même. Le principe de la reproduction du même convenait bien au régime de Hassan II car il reproduisait une élite improductive sur le plan de l’innovation et ainsi elle n’allait pas le déranger dans son exercice du pouvoir. Aujourd’hui les observateurs de la scène politique et intellectuelle marocaine le relèvent avec stupeur.
Préparer un individu en tant que technicien pour servir la production matérielle et le doter d’une grande dose de traditionalisme sur le plan intellectuel. C’est ce que signifie ce malheureux concept Authenticité et Modernité, forgé par Allal El fassi et adopté par le pouvoir et par le mouvement national issu du salafisme dit éclairé. Former nos enfants sur les méthodes et les techniques tout en les préservant de la pensée occidentale, celle-là même qui fut à l’origine de ces techniques et du développement de l’Occident.
L’école marocaine a tellement fonctionné et pendant des années avec ce principe, qui a été assimilé et intégré par l’intelligentsia. Aujourd’hui dans chaque décision, même celle qui concerne l’avenir, la place donnée aux traditionalistes est toujours très grande. On a l’impression que nous allons perdre quelque chose, et qu’on va commettre l’irréparable si on remettait en cause une telle posture de la pensée. Nous l’avons fait pour la réforme de l’enseignement, pour le code de la famille, pour la culture, pour la médecine… Notre regard est fixé sur le passé.
Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane