Le site de Chellah, niché sur les hauteurs du Bouregreg côté Rabat, est un véritable laboratoire pour historiens. Depuis des milliers d’années, des hommes, venus de tous les horizons, ont été séduits par ses atouts climatiques et géographiques. La période antique en est un parfait exemple…
L’historien français René Caillé, grand spécialiste de Rabat pendant le Protectorat, n’hésite pas à faire remonter l’histoire de ce site à plusieurs milliers d’années : «Chellah fut sans aucun doute habité dès l’époque la plus reculée. En effet, on y a trouvé maints outils moustériens et silex taillés chelléens ; la présence en ces lieux de l’homme préhistorique y est donc indiscutablement établie». L’historien demeure en revanche plus mesuré à l’évocation des Phéniciens et des Carthaginois. S’il admet que ces derniers ont bien établi des comptoirs commerciaux sur la façade atlantique marocaine, il est difficile d’affirmer leur présence sur les bords du Bouregreg. Ainsi, leurs traces auraient peut-être été effacées par l’auguste présence romaine, qui se concrétise par l’édification de la ville de Sala (ancêtre de Salé). Son statut évolue au fil du temps, passant d’une cité pérégrine, c’est-à-dire au sein d’une entité autonome dépendante de l’autorité de Rome, à une colonie lorsque les romains prennent entièrement le contrôle de la Maurétanie Tingitane en 46 après J.C. Les vestiges retrouvés sur le site de Chellah confirment la sérieuse implantation des Romains. René Caillé décrit «une agglomération d’une certaine importance : deux tronçons de voies dallées, un forum, les restes de la curie ulpienne, les piliers d’un arc de triomphe à trois baies et plusieurs inscriptions». La période romaine de Rabat a sans aucun doute profondément marqué les lieux, et permis aux hommes de maîtriser leurs environnements. Dans son ouvrage Le Maroc antique, l’historien français Guy Lasserre explique qu’«autour de l’antique Salla (Chellah-Rabat), au temps des Antonins, Pline nous apprend que les terres étaient labourées et mises en valeur, et que les deux grandes richesses de la ville étaient les produits de l’agriculture (dans le nord du pays Chaouïa actuel) et de la forêt (forêt de la Maâmora, au nord de Rabat). Avec la naissance de l’agriculture s’est instaurée dans le pays l’habitude de la sédentarité». La suite de l’histoire du Chellah se dessine en pointillé depuis le départ des Romains à partir du IVème siècle. Les descendants de la civilisation libyco-punique, présents depuis plusieurs siècles, continuent certainement à occuper Rabat et sa région sans que les historiens n’aient pu établir leur mode de vie. En attendant d’autres bouleversements majeurs qui surviennent au Moyen Âge, les habitants de la région continue de profiter des bienfaits géographiques d’un lieu attractif, où il fait certainement bon vivre.