Dans le deuxième épisode de son récit inédit, on suit notre jeune officier jusqu’au palais de Skhirat où il va se trouver mêlé à la sanglante tragédie qui le marquera pour toujours.
Sur la place d’armes de l’Ecole militaire royale de Ahermoumou, l’ambiance est martiale. Nous sommes le vendredi 9 juillet 1971 et comme tous les officiers, y compris ceux de l’annexe de Sefrou, j’ai été prié de rassembler mon «commando», c’est-à-dire une section composée d’une trentaine d’élèves sous-officiers. Tout le monde attend le directeur de l’école, le lieutenant-colonel M’hamed Ababou. A son arrivée, je remarque qu’il a revêtu un treillis militaire, contrairement à ses habitudes. Après le protocole militaire, Ababou entame la revue de ses troupes et du matériel disposé dans l’enceinte de la grande place. Puis il prononce un bref discours : « Le haut commandement a décidé d’effectuer une manœuvre dans la région de Benslimane. L’EMR a été invitée à y participer. J’espère que vous serez à la hauteur. Toutefois, si quelqu’un ne voulait pas nous accompagner, croyez-moi, je ne lui en tiendrais pas rancune ». La mission était claire, nette et sans ambiguïté. Après coup, il est vrai, moi et mes camarades avons extirpé de nos mémoires des indices, des réflexions qui auraient pu nous faire comprendre ce qui nous attendait.
Ainsi un jeune médecin en stage à l’école avait prétendu lors d’une discussion avec des officiers au mess que les dispositions prises (rassemblement d’élèves, munitions réelles…) ressemblaient à celle d’un coup d’état. Mais ce n’était pour nous que le point de vue sans fondement d’un seul individu. Il est toujours plus facile d’interpréter les choses a posteriori: en tout cas, ce jour-là, dans notre groupe d’officiers, personne ne mit en doute la bonne foi de notre chef. Nous étions sortis de l’académie tout récemment, pleins d’enthousiasme pour servir notre pays, et aucun d’entre nous n’avait de penchants politiques : nous étions incapables de suspecter un projet semblable.
Par Abderrahim Sedki
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