Le destin de la célèbre famille des Glaoui bascule sous le règne de Moulay Hassan (1873-1894). Grâce à la politique des Grands Caïds entreprise par ce dernier, le caïdat de cette fraction se transforme en véritable seigneurie de l’Atlas. El Madani El Glaoui, chef de la famille des Mezouari, hérite du caïdat de son père en 1888. Il lui faut attendre la Mehalla de Moulay Hassan en 1894 pour acquérir gloire et reconnaissance. Grâce à l’aide précieuse apportée au sultan en difficulté (cette expédition lui sera d’ailleurs fatale), El Madani est nommé Khalifa du Makhzen dans le Tafilalet. A l’avènement du jeune sultan Moulay Abdelaziz en 1894, le chef des Mezouari confirme sa loyauté au Makhzen en prenant part aux expéditions punitives contre les Oulad Mallah près de Oued Tedli. Sa longue relation avec les Français débute en l’an 1900, où il rencontre pour la première fois des officiers dans le poste avancé du Sud Oranais. Le Khalifa est séduit. Pour l’heure, l’homme reste fidèle à son sultan et le prouve en participant avec son jeune frère (Thami El Glaoui, futur Pacha de Marrakech) à la chasse déclenchée contre le prétendant Bou Hmara. Suite à l’échec de cette mission, les Glaoui rentrent à Marrakech. Depuis, El Madani se rapproche de Moulay Hafid, frère de Moulay Abdelaziz. Cette entente inaugure une future et étroite collaboration dont l’objectif est de renverser le trône du jeune Abdelaziz. A l’occasion du bombardement de Casablanca en 1907 par les navires français, les deux intrigants officialisent enfin leur alliance. El Madani déclare qu’Abdelaziz est incapable de défendre le pays face aux « nazaréens » et que seul Moulay Hafid peut sauvegarder la souveraineté du Maroc. Le processus de renversement est lancé.
En 1908, le plan est achevé par la destitution du sultan au profit de son frère. L’ascension d’El Madani est dès lors fulgurante. Il devient Grand Vizir et offre sa fille Rabia au nouveau sultan qui l’épouse. L’argumentaire de lutte contre l’agression française s’évapore en 1911 lorsque Fès ,assiégée par des tribus rebelles, demande l’assistance de la France. Marthe et Edmond Gouvion commente la réaction du Glaoui : « El Madani n’hésite pas. Il connaît la France qu’il a déjà visitée plusieurs fois, il sait sa force et l’œuvre accomplie par elle en Afrique, aussi ne doute –t-il pas que désormais, ca sera avec elle qu’il faudra compter. Lui seul, ou à peu près, parmi les grands chefs marocains, comprend nettement toute l’importance de l’implantation française au Maroc ; aussi engage-t-il les siens dans la voie nouvelle, se révélant ainsi le plus clairvoyant des hommes politiques du Maghreb ». Encore une fois, El Madani fait preuve d’opportunisme en s’alliant avec le camp des vainqueurs. La suite de son parcours est vouée aux succès de l’entreprise française. Au début de 1915, il achève la soumission de l’arrière-pays de Demnate avant de s’attaquer un an plus tard aux Aït Bellal. En 1918, Abdelmalek, fils d’El Madani, est mortellement blessé lors d’une campagne dans la région d’Azilal. Jérôme et Jean Tharaud dans Marrakech ou les Seigneurs de l’Atlas décrivent l’une des dernières scènes du vivant d’El Madani El Glaoui « Madani avait pris dans sa main la main du général Lamothe, il ne la quittait plus. C’était très émouvant de voir ce vieux seigneur berbère et cet officier français qui tous deux avaient perdus un fils à la guerre. Son fils était mort de la plus belle mort que puisse envier un homme et que pour lui, il était fier qu’il fût tombé pour le Makhzen. Il dit Makhzen c’est-à-dire gouvernement du sultan, mais nous tous, nous comprenions bien qu’Abdelamalek était tombé pour la France ». El Madani El Glaoui s’éteint en 1918 en laissant le flambeau à son jeune frère, Thami, dont la longue et complexe histoire efface peu à peu celle de son ainé.
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