Richard Attias a bâti un empire à la mesure de son ambition. Le natif de Fès est aujourd’hui, à 63 ans, une ponte mondiale en matière d’évènementiel et de conseil stratégique. Pour Zamane, il livre ses secrets de famille, ancrés dans l’histoire du Maroc et de ses rois. Et nous raconte son grand-père Mimoun Botbol, proche de Mohammed V, son éducation pétrie de valeurs de tolérance et d’ouverture mais aussi du drame et de la violence de l’exode de sa communauté de Fès. Plus tard, Richard Attias se connecte à nouveau avec son pays, organise le GATT de Marrakech sous l’aura implacable de Hassan II. Il œuvre ensuite pour la paix entre les deux pays et se retrouve témoin des Accords d’Abraham, qui normalisent les relations entre le Maroc et Israël. Récit du parcours hors-norme de celui qui ne cesse de brandir fièrement sa marocanité…
Avez-vous des éléments généalogiques sur les Attias, votre famille paternelle installée à Fès ?
Il existe plusieurs branches d’Attias et l’origine de ma lignée est un peu confuse. J’ai un jour demandé à mon père de m’expliquer le particularisme physique de notre famille, teint blond et yeux bleus ou verts, ce qui n’est pas vraiment l’archétype des juifs sépharades. Il m’a expliqué que, d’après ses recherches, nos ancêtres seraient originaires d’Anvers en Belgique, et qu’ils exerçaient dans le milieu de la bijouterie et de la joaillerie. Ces informations valent ce qu’elles valent, mais ce qui est certain en revanche, c’est que des familles juives d’Europe du nord comme du sud se sont depuis des siècles, retrouvées au Maroc au gré des circonstances historiques. Aujourd’hui, nous sommes donc enracinés au Maroc depuis au moins six ou sept générations.
Les Attias nouent alliance avec les Botbol, votre famille maternelle…
Oui et son origine est connue avec un peu plus de certitude. La grande ligne des Botbol marocains vient essentiellement d’al-Andalus, expulsés par Isabelle la Catholique (1474-1504). Les premiers récits que l’on me racontait enfant concernaient mon grand-père, Mimoun Botbol, dont je porte d’ailleurs le prénom hébraïque mais que je n’ai hélas pas connu. Il était à l’époque, dans les années 1950, l’un des tailleurs de feu
Mohammed V, tandis que son épouse Hannah Botbol s’occupait plutôt des épouses du Palais, qu’elle approvisionnait en kaftans et autres vêtements traditionnels. D’ailleurs, le couple y possédait une boutique, une sorte d’épicerie ou de superettes dirait-on aujourd’hui, la seule à l’intérieur des enceintes du Palais royal de Rabat. Ils y vendaient un peu de tout, du textile aux produits alimentaires. La boutique était connue de tous car, à l’époque, la vie du Palais se déroulait en vase clos et il arrivait souvent que princes, épouses ou concubines se rendent à la boutique. Même le souverain, feu Mohammed V, venait humblement discuter avec mon grand-père autour d’un thé à la menthe. On peut dire qu’il était son copain. Le roi l’a d’ailleurs décoré du wissam alaouite faisant de Mimoun l’un des tous premiers, si ce n’est le premier, à être honoré de cette distinction prestigieuse.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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