Depuis près de deux mois et l’apparition au Maroc du premier cas de contamination par le virus dit Corona, un 2 mars 2020, les Marocains se terrent derrière leurs murs au coucher du soleil. Le couvre-feu déclaré, pour raison d’atteinte à la santé publique ; les rues sont désertes. Il est vrai que le Maroc a vite fait de réagir en prenant des mesures drastiques telles que la fermeture de ses frontières et en déclarant l’état d’urgence sanitaire dès la mi-mars. Invisible à l’œil nu, Corona touche tous ceux qui l’inhalent sans le savoir; ou ceux qui le touchent au réflexe et à la trace. Le monde entier est touché à différents degrés de gravité. Le Maroc est dedans. Il n’a jamais autant regretté d’être le pays ouvert aux quatre vents. Les effets sociaux de cette situation ne pouvaient être que terribles. Les petites et moyennes entreprises préfèrent mettre la clé sous le paillasson plutôt que de continuer à tourner à perte. Elles sont à juste titre considérées comme les premiers pourvoyeurs d’emplois.
Une chose est donnée pour sûre et certaine, demain ne sera pas comme aujourd’hui. Dans sa soif insatiable de tueur en masse, et son chambardement du système de fonctionnement institutionnel en place, rien ne sera plus comme avant. La vie économique en premier. Les lois qui régissent le libéralisme excessif sont carrément mises en cause, comme pour dire que ce libéralisme-là peut conduire à des réactions d’un autre type. C’est en fait toute l’économie nationale qui est ébranlée. Malgré tout ce qu’on lui prête en tant qu’élément de la nature, Corona peut également être un moyen d’évaluation des infrastructures de base et des structures d’accueil. Face à la colère des éléments, les victimes ne peuvent afficher que des interrogations du moment et du genre, «avions nous suffisamment d’hôpitaux et d’équipements spécifiques et adaptés ?». Négatif. Les usagers de ces services sociaux, fondamentaux et vitaux, particulièrement dans les régions excentrés vivent cette discrimination spatiale au quotidien.
Un homme politique de l’autre côté de la Méditerranée aurait dit qu’il y a «le feu en la demeure et nous regardons ailleurs». Les 24 ministres en place, semblent faire foule autour de la grande table de la Primature. En fait, c’est l’action sur le terrain qui manque le plus. Il est vrai que face à ce genre de problématique, la généralisation est trompeuse. Il n’empêche. Sur cette double douzaine de ministres en place, au moins quatre d’entre eux fonctionnent sans relâche. Les autres, un peu confinés, comme nous tous, en attendant des jours meilleurs…
Il s’agit de Khalid Ait Taleb, ministre de la santé et l’ennemi désigné du virus Corona. De l’avis partagé de par le monde sur la stratégie adoptée par le Maroc, toutes les mesures ont été prises au bon moment. La deuxième personnalité, Moulay Hafid El Alamy, ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie Verte et Numérique. La gestion de la pandémie lui a valu des éloges à l’échelle mondiale. Il a même placé la barre trop haut en fixant comme objectif la production de 8 millions de masques par jour.
La troisième personne marquante de « l’odyssée » meurtrière de Corona n’est autre que Abdelouafi Laftit, ministre de l’Interieur, Sa contribution à la chasse à Corona a été décisive. Sa contribution financière à la lutte contre Coronavirus a permis à 5,1 millions de familles marocaines de bénéficier des aides pour la lutte contre le Covid-19.
Quant au triple département que Mohamed Benchaâboun pilote (Économie, Finances et Réforme de l’administration), il est aux avant-postes de la lutte contre un virus qui « grippe » l’économie mondiale. Les chiffres fournis par M. Benchaâboun semblent froids et sans impact direct sur la vie des citoyens. Rien n’est moins vrai. Il s’agit bel et bien «d’un point critique pour la survie de l’économie nationale». C’est la conviction d’un grand spécialiste de la finance internationale dans tous ses états et ses effets directs et indirects. Benchaâboun en fait le recensement. Le tourisme est à l’arrêt. Le transfert de devises que les MRE ont l’habitude de faire ne se fait presque plus, le secteur automobile dérape… Le transport aérien connaît une perte d’activité à hauteur de 80%…
Ces quatre hauts fonctionnaires sont constamment sur nombre de dossiers et de chantiers à la fois ; ici même au Maroc comme à l’étranger ; pour une foultitude de questions de partenariat économique entre autres.
Du coup, on se retrouve dans une situation paradoxale où l’impact et la portée de la parole politique passent par une responsabilisation des technocrates. Une technocratie légèrement politique ou une politique suffisamment technocratique ? Voilà le choix devant lequel le Maroc fera face après le Covid-19.
Le populisme a encore de beaux jours devant lui. À moins que la politique digne de ce nom n’intervienne avec un bon programme de gouvernance qui lèverait le blocage actuel.
Par Youssef Chmirou, directeur de la publication