Furieux de voir Yasser Arafat et Mohamed Abdelaziz, chef du Polisario, main dans la main, Hassan II livre l’un de ses discours les plus mémorables…
C’est l’un des ses discours dont tout le monde se souvient. En Avril 1987, se tient le congrès de l’OLP à Alger. La délégation marocaine emmenée par Ahmed Bensouda entend parler d’une possible apparition du Polisario et de son chef au sein de la conférence palestinienne. Les Marocains préviennent qu’ils n’accepteront pas un tel cas de figure. Lors de la journée d’ouverture, l’impensable se produit. Mohamed Ben Saïd Aït Idder, secrétaire général de l’OADP (Organisation de l’Action Démocratique Populaire) et membre de la délégation marocaine avait décrit la suite des évènements pour Zamane : «Le représentant du Polisario fit irruption dans la salle. Il était accompagné d’un groupe de dignitaires algériens et de toute l’armada des médias officiels. Nous étions surpris parce que nous avions déjà passé un accord avec l’OLP pour une non-présence du Polisario». Pire, Abdelaziz ose une comparaison intolérable pour les Marocains : «Frères Palestiniens ! Nous subissons au Sahara ce que vous subissez de la part d’Israël». Lorsque Hassan II apprend la nouvelle, il décide de s’adresser aux Marocains le lendemain 21 avril. Le roi débute d’abord par lire le télégramme envoyé d’Alger par son conseiller. Méthodiquement, il explique à «son cher peuple» la teneur des évènements d’Alger : «À la reprise des travaux, est arrivé le mercenaire Abdelaziz, que j’appellerai désormais Abdelaziz Al-Marrakchi (le chef du Polisario serait originaire de la région d’Al Haouz, ndlr). Après avoir donné l’accolade à Monsieur Yasser Arafat, il a pris place à sa gauche, au premier plan». Il poursuit : «Le Maroc a été assimilé à Israël. Ainsi le peuple sahraoui, représenté par ce Marrakchi, serait opprimé et persécuté». Le roi continue ainsi en fustigeant le comportement de ses supposés alliés palestiniens : «Eh bien, voilà qu’ils administrent la preuve ou bien qu’ils sont des menteurs ou alors qu’ils cèdent, à la dernière heure, aux pressions exercées sur eux». Évidemment, l’allusion au rôle de l’Algérie est à peine masquée. Pour autant, son amertume envers Yasser Arafat est tenace : «Je regrette que l’OLP n’ait compris combien les Palestiniens avaient besoin des voix de tous les Arabes. Les Palestiniens ont malheureusement beaucoup perdu dès lors qu’ils se sont mêlés à des problèmes arabo-arabes». Le clou du spectacle offert par Hassan II durant ce discours reste la mise en garde qu’il adresse à tous les Marocains sans exception : «Que chacun sache que si, au moment où, dans une réunion, un Palestinien parle de la Palestine et qu’un Marocain, quel qu’il soit reste présent à une telle réunion, eh bien, pour l’honneur de nos martyrs qu’on assimile aux Sionistes, sa maison sera souillée à la manière antique. Car, il s’agit en l’occurrence, de distinguer la politique et l’honneur». Cette étrange menace, traduite ici d’une façon officielle en français, remonte à une ancienne tradition qui consistait à souiller la porte de l’accusé avec des excréments. La consigne du monarque est, en effet, prise très au sérieux et la Palestine n’est plus vraiment à l’ordre du jour dans les discussions entre Marocains. Si aujourd’hui, ces paroles prêtent à sourire, dans le contexte de l’époque, la menace est prise très au sérieux.