L’image a fait le tour de la presse et des réseaux sociaux. Les héros de la sélection marocaine de football, qualifiée pour le prochain Mondial, ont échangé au téléphone avec le roi Mohammed VI. L’occasion de décrypter une pratique historique…
Le 29 mars dernier, à 21h15, les Marocains étaient prêts à éteindre leur télévision et célébrer une qualification historique pour le prochain Mondial qatari. Seulement, l’après-match entre le Maroc et la RDC continue de retenir leur attention. Ils sont les seuls à comprendre ce qu’il se passe sur la pelouse du complexe Mohammed V de Casablanca. Vahid Halilhodzic, le sélectionneur national, se retient d’aller fêter la victoire avec ses troupes. Le technicien bosnien se tient aux côtés de Fouzi Lekjaâ, président de la fédération royale marocaine de football, qui consulte nerveusement son téléphone portable. Au bout de quelques minutes, un appareil est finalement tendu au sélectionneur. «Allô ? Oui, ça va et vous, votre Majesté ?». C’est la fin d’un suspens qui, en réalité, n’en était pas un. L’appel du roi Mohammed VI est même confirmé par le commentateur de la chaîne publique marocaine qui a retransmis le match. Pour la première fois, le traditionnel «coup de fil royal» aux sportifs auteurs d’un exploit est officiellement mis en évidence. Cette pratique qui ne date pas d’hier est très prisée par Mohammed VI. Si elle vient récompenser les exploits de la sélection nationale, elle concerne aussi ceux des clubs. Ainsi, l’entraineur du Wydad de Casablanca a eu cet honneur après avoir remporté la prestigieuse Ligue des Champions africaine en novembre 2017. L’appel téléphonique en provenance du Palais de Rabat est, en fait, une tradition que le football national connaît depuis le règne de Hassan II.
Dans un article consacré à la relation entre l’ancien monarque et le football, le mensuel français «So Foot» fait parler un témoin présent avec l’équipe nationale durant l’épopée des Lions de l’Atlas du Mondial mexicain de 1970 : «Sur le banc de la sélection, il y avait constamment un téléphone et une sorte de standardiste, chargé de prendre les appels du roi et de transmettre ses messages au coach ou aux joueurs». Avant même l’ère du téléphone portable, Hassan II souhaite donc pouvoir communiquer avec l’équipe, et pas seulement pour transmettre ses félicitations. D’ailleurs, le souverain se muait non seulement en coach, mais aussi en psychologue. C’est arrivé aussi dans le milieu de l’athlétisme, principal pourvoyeur de médailles marocaines. Aziz Daouda, ancien entraîneur des grands athlètes nationaux, se souvient du drame de la course olympique d’Atlanta en 1996 lorsque le favori Hicham El Guerrouj chute et laisse filer un titre qui lui été promis : «À peine quelques instants après, le roi appelle El Guerrouj. Il l’a encouragé et lui a dit que malgré la défaite, il était à ses yeux un grand champion. Je pense sincèrement que ce coup de fil a changé la carrière d’El Guerrouj qui a su rebondir». Mais pourquoi s’entretenir personnellement avec le roi est-il si spécial pour nos sportifs ?
Pour Aziz Daouda, la réponse est évidente : «Les athlètes américains sont peut-être reçus après à la Maison Blanche, mais leur président ne les appelle pas quelques secondes après l’exploit». Une proximité et une culture de l’instant qui est donc bien de chez nous…